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Le petit monde des élites semble regorger de « moutons noirs », politiciens et chefs d'entreprise qui ne craignent pas de bafouer les règles de la probité et les normes communes. Qu'ils s'appellent Cahuzac, Fillon, Sarkozy, Ghosn ou Tapie, il n'est guère de semaine sans que l'un de nos dirigeants soit désigné à la vindicte, la chronique de leurs démêlés judiciaires venant alimenter l'idée qu'ils sont « tous pourris ». Selon Pierre Lascoumes, des facteurs structurels expliquent la permanence des pratiques transgressives des élites : d'un côté, en tant que détentrices du pouvoir, elles énoncent des principes généraux qui s'imposent aux gouvernés ; de l'autre, elles ont la maîtrise de procédures dérogatoires (Cour de justice de la République, arbitrage, etc.) qu'elles ont elles-mêmes établies pour protéger leurs intérêts et positions. Un vaste répertoire de justifications relativise au besoin leurs infractions, évacuant les responsabilités et requalifiant les fautes intentionnelles en erreurs excusables. Le tout renforcé par la faiblesse des sanctions institutionnelles, en particulier judiciaires.
Pierre Lascoumes est directeur de recherche émérite du CNRS au Centre d'études européennes et de politique comparée de Sciences Po (CEE). Il est notamment l'auteur, avec Carla Nagels, de Sociologie des élites délinquantes (Armand Colin, 2018, 2e éd.).