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Lors d’un entretien avec un trafiquant en Albanie, ce dernier me fit remarquer « qu’il était issu d’une société où le commerce en soi était interdit » : « Voyez-vous, ces temps sont révolus à jamais. Ne venez pas nous dire que le commerce est permis puis nous embrouiller avec des détails de produits interdits. L’offre et la demande, voilà la seule règle. » En Arménie, un Vory z’akone septuagénaire me disait : « Je suis devenu millionnaire sous Staline, vous croyez que je vais perdre de l’argent maintenant ? » En écho, un jeune trafiquant d’armes de la banlieue parisienne m’affirmait : « C’est un produit très prometteur. Et ne croyez pas que je parle en l’air. J’ai fait une étude de marché… »Suspendus entre un discours capitaliste, une logique mercantile et une morale à la carte, ces hommes savaient avec qui ils parlaient. Mais ils estimaient que leurs contradictions n’étaient pas plus importantes que les miennes, et encore moins que celles des pouvoirs publics. Il y a encore vingt ans, le discours consistait à affirmer : « Si ce n’est pas moi qui le fait, ce sera un autre. » Ce n’est plus le cas. « Sans nous, répètent-ils à l’unisson, plus de banques, plus de commerces… Le système s’effondrerait. » Ils ne se considèrent plus à la marge d’un système, mais en son centre hypocritement honteux…