Prix public : 35,00 €
A Touva, en Sibérie du sud, des individus présentant des capacités sortant de l'ordinaire sont identifiés comme chamanes. On les sollicite pour voir l'invisible, faire venir le bonheur, chasser les maladies, dénouer des affaires de sorcellerie, dialoguer avec les défunts. Aux chamanes sont réservées des usages de la parole et des formes d'action sur le monde dont les « gens simples » s'estiment incapables. Pourtant les profanes ne laissent pas de se méfier des chamanes qu'ils fréquentent et de déployer des stratégies pour tester leurs talents et identifier les « imposteurs ». Depuis les années 1990, le chamanisme fait partie du paysage urbain à Kyzyl, la capitale de la république touva. L'autorité paradoxale dont jouissent actuellement les chamanes a de quoi surprendre si l'on songe aux répressions violentes et aux interdictions qui se sont abattues sur les traditions religieuses touvas à l'époque socialiste. À quoi tient l'autorité des chamanes? Comment un nouveau chamane advient-il et comment se manifestent ses pouvoirs? Comment distingue-t-on à Touva un « vrai chamane » d'un « charlatan »? Pourquoi les gens s'attendent-ils toujours à l'apparition de chamanes en dépit des bouleversements violents subis par cette société passée du nomadisme à la sédentarité au cours du xxe siècle? A partir d'une enquête ethnographique à Touva, cet ouvrage examine les fondements cognitifs et relationnels de la rigoureuse division des compétences rituelles entre spécialistes et profanes. Repoussant le modèle classique de l'« élection » ou de l' « initiation » du chamane par les esprits, l'auteur montre que la qualité de chamane est conçue comme un fait incorporé, souvent inné, qui se développe dans la violence. Par la comparaison avec des traditions chamaniques voisines, il identifie des schémas cognitifs stables et explore les rapports entre la conception touva des êtres singuliers et certaines dispositions psychologiques universelles.