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Depuis le milieu des années soixante-dix, la pensée critique est soumise à rude épreuve dans le monde occidental. La tradition marxiste, incapable de se renouveler et de faire ses comptes avec le "socialisme réel", est entrée dans une crise dont elle ne s'est pas remise. Le discrédit qui l'a atteinte a rejailli très souvent sur les courants les plus novateurs des années soixante et soixante-dix. Beaucoup d'intellectuels qui s'étaient radicalisés au cours des années soixante sont ouvertement passés sur des positions réactionnaires, soit par déception ou conviction, soit pour trouver un nouveau champ d'intervention. En outre, le recul de la pensée critique a été accompagné de façon significative d'une progression de la médiatisation des débats intellectuels, c'est-à-dire, là aussi, d'un renforcement des tendances à simplifier les questions. Dans le même sens vont également, au cours des années quatre-vingt, des courants divers, venus en général des milieux universitaires, désireux d'établir un rapport positif avec les sociétés démocratiques libérales, mais sans verser pour autant dans la facilité médiatique. Pour eux, la société occidentale est la meilleure des sociétés possibles aujourd'hui et il n'y a plus de sens à vouloir en faire une critique globale. Il faut donc se réconcilier avec l'existant et jouir de ses bons côtés en renonçant au négativisme et à l'utopie. Dans ce supplément de Futur antérieur, les auteurs ont voulu montrer que la pensée affaiblie n'était pas inéluctable et qu'une certaine forme de pensée n'a pas renoncé à une critique sans concessions.