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Depuis les années 70, on a vu se multiplier les théories, les études, les projets et les institutions voués à l'intégration des femmes au développement. Les femmes émergent à diverses instances de ces discours et de ces pratiques : on les observe, on les interroge, on mesure leurs comportements et on dirige vers elles de multiples interventions ayant pour nom le développement. Les femmes y ont gagné certes, mais toute cette attention a aussi son prix. Dans le sillage des promesses du développement, un véritable dispositif de savoir/pouvoir se déploie. Par exemple, dans le projet SHIELD, un projet de santé communautaire situé à Mindanao aux Philippines, les femmes sont catégorisées en bénéficiaires de crédit, promotrices de santé ou entrepreneures. Dépouillées de leur identité de paysanne, elles apprennent à poser leurs problèmes dans les termes du développement. Le même glissement s'opère au sein du projet DIWATA. Après avoir réuni en une vaste coalition la quasi-totalité des groupes de femmes des Philippines, DIWATA s'institutionnalise et se professionnalise. Les expertes succèdent aux militantes, et DIWATA s'installe progressivement dans la gestion des besoins des femmes. On ne doit pas pour autant conclure que les femmes sont victimes du développement. La paysanne de Mindanao et la féministe de Manille ne sont jamais tout à fait celles qu'on a imaginées dans les textes de SHIELD ou de DIWATA. Les femmes réelles débordent les discours, trafiquent les procédures et résistent aux contrôles. Elles empruntent des lignes de fuite, dans une vie qui n'obéit pas toujours aux lois du développement.