Prix public : 9,70 €
Avec« La Rotonde», Anne-Marie Garat réalise un superbe exercice de style qui consiste à inscrire le temps dans l'espace. La narratrice, perchée sur le belvédère d'une rotonde qui surplombe la propriété familiale, observe (mais tout cela comme un rêve) la scène ancestrale qui eut lieu le jour de sa naissance. Elle y voit son père, armé d'un fusil, tirer sur sa belle-soeur, la rater, et l'on suit toute la trajectoire de cette balle perdue qui va toucher la belle-amie de cette dernière au creux du cou - une balle qui ne lui sera pas mortelle mais dont la détonation tue de surprise le frère de celle-ci alors qu'il tentait d'escalader une falaise. Cette scène, le roman la décrit encore et encore, des confins aux points les plus proches du tableau, car c'est ainsi que peut se définir ce texte qui analyse chaque instant de la durée comme élément pictural dans l'espace. <br /> En suivant l'oeil de la narratrice, on assiste à l'éclosion d'une véritable fresque. Nuages, plis que fait la mer, ondulation du paysage mais aussi les gestes du rameur qui tente d'atteindre l'alpiniste avant qu'il ne s'écrase sur les rochers, gestes du curieux qui tourne la molette de sa longue vue pour observer la scène, gestes de la jeune beauté au corps d'ivoire qui referme la grille du jardin, autant de détails qui, comme dans un tableau de Bruegel ou de Mantegna, déclinent chacun une part de l'histoire. Le singulier récit d'Anne-Marie Garat, éminemment visuel, se déploie dans l'espace du paysage, du sud au nord, de l'est à l'ouest, relevant les moindres images du décor et les assemblant, tel un puzzle composé mot par mot.