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Le tout dernier des illustres voyageurs dont la signature va figurer à côté de celle de Li Bai, Wang Zeduan et de nombreux empereurs, sur le livre d'or du Grand Canal, s'appelle le père Joseph de Reviers de Mauny, membre de la Compagnie de Jésus. Il vient de faire une entrée spectaculaire dans les annales de Chine et de la photographie mondiale. En 1932, investi d'une mission d'enquête religieuse, il profite de ce voyage pour mener un véritable reportage photographique. Armé de quatre appareils photo, d'une caméra et d'un laboratoire portatif, il partage pendant dix mois la vie des bateliers et du peuple du Grand Canal impérial. Mais la moisson d'images qu'il rapporte en France sommeille dans une armoire pendant soixante-dix ans.
La découverte « fortuite » de ce trésor par Christine Cornet, historienne et sinologue, donne aujourd'hui, avec le recul du temps, une valeur encore plus inestimable à ce reportage. Il fallait la préparation et la disposition d'esprit de Christine Cornet, spécialiste de la photographie historique, pour être aimantée par cette armoire secrète des réserves des oeuvres pontificales missionnaires de Lyon qui contenait quatre mille tirages sur papier soigneusement classés et légendes. Poursuivant sa chasse au trésor, elle retrouve à la Bibliothèque municipale de Lyon quelque trois cents plaques de verre, puis chez une aïeule de Reviers dix bobines de films 16 mm, tournés à Shanghai, Tianjin et Pékin. Enfin, elle explore les archives des jésuites à Vanves et réalise grâce aux notes, aux aquarelles et aux correspondances le Carnet de Chine édité par Actes Sud et Bleu de Chine*. On y apprend qui était ce jésuite aristocrate et aventurier, ainsi qu'une part de l'histoire des missions de Chine qu'il était allé prospecter. Il fallait de surcroît, pour mettre en valeur cette formidable trouvaille, un autre maître de l'image, François Verdier, longuement formé aux arts graphiques. Sans ce deuxième complice, l'aventure du père Joseph de Reviers de Mauny n'aurait pas été aussi belle à nos yeux.
Le Grand Canal comme la Chine tout entière est entré dans la course à la modernisation et n'a pas trop le temps de s'occuper de ses vestiges historiques. Le père de Reviers, que ses proches appelaient le père Jo, a sauvé à lui seul une bonne part de la mémoire de ce patrimoine. Sa collection de photos n'a pas d'équivalent et les Chinois devraient inscrire son oeuvre sur la liste de leurs trésors nationaux, à côté de la célèbre peinture de plus de cinq mètres de long du peintre de cour Wang Zeduan. Intitulée En remontant le fleuve par un jour d'avril, elle a été exécutée au xne siècle dans cette même région de rizières, de coton, de mûriers et de villes lacustres où commence le Grand Canal. Grâce à Wang Zeduan, on peut partager une journée de la vie des Chinois de cette époque et regarder à la loupe la manière dont les gens s'habillent, se saluent, se déplacent, font du commerce ; admirer la façon dont ils construisent les bateaux, les ponts, les portes des villes, les maisons de thé ; faire l'inventaire des techniques de portage (brouettes, charrettes, palanches, palanquins...), tout cela comme si l'on était, un jour du début d'avril de 1186, en train de flâner sur les quais. Wang Zeduan a mis en scène la société tout entière : mandarins, artisans, devins, boutiquiers, colporteurs, mariniers, médecins, charrons, bonzes, courtisanes et badauds. Au total plus de cinq cents personnages, tous en mouvement. Les photos du père Joseph de Revier