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Ce plaidoyer pour une tolérance absolue s'avère être, en même temps, un des questionnements les plus radicaux sur la nature du fait religieux et de ses dérives quasi inévitables. Le 15 octobre 1685, la révocation de l'Édit de Nantes est signée à Fontainebleau par Louis XIV, mettant fin à une situation exceptionnelle en Europe : deux confessions religieuses cohabitant de droit, sous un même pouvoir politique. En octobre 1686, Bayle fait paraître les deux premières parties du Commentaire philosophique sur les paroles de Jésus-Christ, Contrains-les d'entrer, où l'on prouve par plusieurs raisons démonstratives, qu'il n'y a rien de plus abominable que de faire des conversions par la contrainte : et où l'on réfute tous les sophismes des convertisseurs à contrainte, & l'apologie que St. Augustin a faite des persécutions. C'est donc un livre écrit dans l'urgence, mais qui affronte aussi l'événement dans sa dimension universelle : il s'agit, en fait, de l'une des rares tentatives historiques de fonder philosophiquement la tolérance. Il garde ainsi toute sa virulence face à la menace endémique du fanatisme religieux sous toutes ses formes. En conséquence, cette édition a eu un double souci : inscrire l'ouvrage dans les débats de son temps, tout en interrogeant la pertinence philosophique de son propos. C'est en effet un texte d'une audace exceptionnelle pour son époque, mais qui n'hésite pas à soulever les difficultés spécifiques de cette " vertu " très particulière. Bayle énonce et cherche à fonder moralement les " droits de la conscience errante ", mais s'interroge aussi sur la délicate question de leurs limites. Ainsi ce plaidoyer pour une tolérance absolue s'avère être, en même temps, un des questionnements les plus radicaux sur la nature du fait religieux et de ses dérives quasi inévitables.