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Donnée biologique et fait anthropologique, le temps de jeunesse est une construction sociale et culturelle performative dont on peut faire l'histoire à diverses périodes et pour divers groupes humains. Triplement stigmatisées par leur âge, leur sexe et leur ruralité, les jeunes filles des milieux populaires ruraux ont été peu étudiées. Privées non d'un temps de jeunesse mais vivant un temps de jeunesse autrement organisé, précocement contraintes de travailler, elles ne jouissent pas, au début du XXe siècle, de ce temps long, presque exclusivement dévolue à la formation et la consolidation de l'identité sexuée dont bénéficient leurs contemporaines issues de la bourgeoisie. Une certaine façon bourgeoise de concevoir et de vivre la jeunesse s'est cependant peu à peu diffusée tout au long du siècle passé dans les milieux populaires d'abord urbains puis ruraux. Pour les jeunes filles vivant dans la campagne angevine, cette démocratisation d'un temps long de jeunesse est indissociable d'une acculturation au modèle de genre féminin bourgeois valorisant dans les sphères publique et privée la différence sexuée. Au croisement du temps biographique de jeunesse, âge de cristallisation de l'identité sexuée et du temps historique des mutations de la jeunesse et du genre dans la société occidentale de la première moitié du XXe siècle, l'étude, à partir de sources principalement orales, mais également iconographiques, administratives et judiciaires des jeunes filles des milieux populaires ruraux peut aussi permettre d'éclairer les mécanismes d'appropriation et d'acculturation de nouvelles normes. Elle donne aussi à entendre, au travers du récit des « travaux et des jours » la voix de ces femmes d'origine modeste délaissées par l'historiographie contemporaine.