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Le phénomène de la coseigneurie est reconnu depuis longtemps comme une des modalités de fonctionnement du système seigneurial, bien qu'il soit resté quelque peu en marge de la recherche. Il a souvent été pensé comme une spécificité méridionale et, de ce fait, mis de côté dans la plupart des grandes synthèses sur la société féodale. La présente recherche a pour ambition de considérer la pluralité des seigneurs non comme une forme marginale mais comme une des expressions courantes de la domination aristocratique aux XIe-XIIIe siècles. De fait, un certain nombre de figures historiographiques trouvent un sens nouveau lorsqu'on les considère en regard les unes des autres: les pariages ou paréages connus dans tout l'Occident, compris comme des fondations de bourgs, de villages, de villes neuves de toute sorte; le parage normand, institution successorale qui instaure le temps d'une ou plusieurs générations une seigneurie partagée à l'intérieur de la parenté; les pairs de châteaux ou pairs de principautés flamands; les Ganerbenburgen très fréquents dans tout l'espace germanique de l'Empire, châteaux tenus en parts de coseigneurie, dont la gestion complexe était codifiée au sein de Burgfrieden; les societates italiennes, qu'elles portent sur des châteaux ruraux ou des tours urbaines, créant des parentèles artificielles; la behetría castillane, pouvoir collectif d'un certain nombre de diviseros ou naturales sur un village, etc. Et bien entendu la coseigneurie méridionale qui éclate au détour de tout type de sources, entre les Alpes et l'Océan. En somme, dès que les textes sont assez précis pour permettre de l'apercevoir, il semble que partout il existe des biens tenus en commun, des seigneuries divisées et des châteaux partagés. Dans une société d'ordres comme l'est celle de l'Occident des XIe-XIIIe siècles, c'est une question essentielle de déterminer si ces relations horizontales, la coseigneurie et la parité, sont une perturbation ou bien un élément régulateur des rapports féodaux et des liens verticaux; la trame d'un tissu social dont les relations hiérarchiques seraient la chaîne. C'est de cela qu'il est ici question, de la façon dont l'aristocratie occidentale a pu, aux siècles centraux du Moyen Age, explorer des voies de seigneurie collégiale, de gestion partagée, de domination en commun.