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Le mouvement indien au Brésil est un miracle. Avec plus de 230 peuples différents, certains avec des populations de quelques dizaines d'individus à peine, et près de 125 langues différentes parlées sur un territoire grand comme 15 fois la France, la fragmentation culturelle, linguistique et géographique aurait du prévenir l'émergence de mobilisations et d'organisations panindiennes. Le contraire s'est produit: les Indiens du Brésil se sont durablement installés sur l'espace politique et il existe aujourd'hui plus de 200 ONG indigènes. Sans ignorer les Indiens les plus visibles de la scène interethnique, notamment les Kayapo et leur « mise en spectacle » de l'indianité, cet ouvrage offre une plongée dans les coulisses des mobilisations indiennes et de leurs alliés missionnaires et anthropologues. Il situe l'historicité de la représentation politique, de l'organisation formelle, et de la délégation de mandat dans la capacité d'appropriation et d'action des Indiens. Parce que le répertoire d'action collective indigène ne contenait pas d'entrée pour l'organisation bureaucratique, on a longtemps cru que les Indiens ne pouvaient s'approprier que des structures mobilisatrices qui leur ressemblaient, un présupposé culturaliste qui nie la capacité d'action et oublie le caractère fluide de la culture. Les Indiens se sont appropriés le modèle de structure mobilisatrice le plus capable de porter leurs projets. Ce sont les formes de représentations et de mobilisation les plus bureaucratiques – et les moins traditionnelles – qui se révèlent les plus capables de mobiliser les bases indiennes et de « peser » sur les politiques et institutions brésiliennes et transnationales. Les Indiens, en s'appropriant une modernité qu'ils n'auront connue que tardive, l'indianisent, au grand regret d'alliés autrefois épris d'authenticité. Penser le mouvement indien au Brésil d'un seul tenant alors que la raison anthropologique se disperse sur une myriade d'univers ethnologiques: tel est donc l'objectif d'un ouvrage qui allie la sociologie américaine des mouvements sociaux, encore trop peu utilisée en France, à l'anthropologie. Il fait dialoguer entre eux sociologues et anthropologues, Charles Tilly et Marshall Sahlins, Sidney Tarrow et Viveiros de Castro. Il donne en outre une place significative aux auteurs brésiliens.