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Quand on lit les textes d'Anne-Lise Blanchard, à la condition de se refuser à toute lecture superficielle, rapide ou préorientée, on est amené – dans la douceur – à admettre que la seule concession que nous ayons le droit de faire, c'est à la vie, et à rien d'autre. Avec son écriture épurée, lisse et discrète, Anne-Lise Blanchard s'écarte de la tendance actuelle où l'on voit, dans toute sa suffisance, le « moi » supplanter le « je », ce qui appelle déjà au combat. Je voudrais évoquer par conséquent le magnifique tableau de Delacroix qui orne la chapelle sud de l'église Saint-Sulpice – haut lieu poétique s'il en fût – représentant le combat de Jacob contre l'ange : Jacob se trouve à la croisée de deux chemins, dont l'un descend vers la foule, la fureur et la poussière dans de vains combats, et dont l'autre se voit barrer le passage par un ange musclé. Mais Jacob est déterminé ; il a posé ses bagages inutiles, il a jeté sa lance qui pointe en direction de ce sentier qui gravit la montagne à travers une épaisse forêt. Loyal jusqu'au bout, il affronte à mains nues l'ange qui le retient à la façon d'un sparring partner. On sait que Jacob forcera le passage. En effet, ne vous y trompez pas ! Cette petite femme de 40 kilos, elle vous le fera tomber, l'ange ; c'est une combattante, elle en a vu, elle en a fait, elle en a écrit. Comme le moine zen de la légende, elle marche lentement vers le lecteur, elle avance une main, et elle le fait tomber à genoux devant la réalité, devant la vie. C'est un poète, je vous dis. JA