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Selon un rapport de l’ONU de 2010, ce sont 800 millions de personnes qui vivent dans un habitat « irrégulier », un « slum » (bidonville). Le phénomène de l’habitat irrégulier et illégal n’est d’ailleurs pas confiné aux seuls pays en développement ou émergents. Nos riches métropoles occidentales sont elles aussi confrontées à ces questions cruciales, auxquelles il convient d’ajouter la lancinante question des expulsions locatives, des saisies immobilières et de l’insécurité de la tenure foncière. Or, dans nos sociétés contemporaines de marché, le logement est pour l’essentiel devenu un objet de spéculation financière et de rente, un objet à « forte intensité capitaliste » (Jean louis Laville 2006). La sphère immobilière s’est ainsi « désencastrée » (disembedded) (Karl Polanyi) de la cité qui en a perdu le contrôle. Participant à cette « insouciante activité du marché » (David Bollier.2003) et à ses effets, une chaine immobilière marchande à étages multiples s’est mise en place : du repérage d’un foncier, en passant par la conception du projet immobilier, le choix requis des matériaux et des techniques de construction, l’octroi d’un prêt, l’établissement d’un prix de revient, de vente et la définition de marges financières ... Dans ce concert, chaque opérateur qui y a partie liée, entend dégager un surplus et satisfaire son intérêt immédiat. Et ce, au détriment de la fonction vitale et universelle d’un droit à habiter, prié de s’effacer derrière la somme des intérêts privés. Le résultat enregistré est paradoxal : le logement neuf produit par le marché immobilier dans la cité contemporaine est à la fois abondant, de grande qualité, tout en demeurant dans le même temps parfaitement inaccessible aux plus démunis - et donc rare, compte tenu de son coût. Tournant le dos aux schémas, réponses, pratiques et discours dominants sur le logement et l’habitat populaire, qui renvoient à tout coup à la « crise », à la « pénurie » et au « mal-vivre » urbain, des modes de faire alternatifs fournissent un contenu effectif au concept d’éco-habitat abordable : les « coopératives d’habitants » et « Community land Trusts », mobilisées comme outils de l’abondance, opèrent un travail « l’administration de la preuve » (Durkheim) qui invalide le discours ambiant sur la pénurie, tout en offrant des perspectives pour refonder la ville coopérative. Qu’elles relèvent du modèle coopératif latin (Italie, Argentine...) ou anglo-saxon (Royaume-Uni, USA..), ces organisations humaines de petite taille produisent et donnent à voir des pratiques effectives d’entraide commune et de coopération équitable (John Rawls) qui, dans une démarche de recyclage urbain (changement d’usage de bâtiments publics laissés vacants ou réutilisation de friches urbaines à l’abandon), de mobilisation démocratique et de création de richesses partagées (E. Ostrom.2007), replacent les habitants non banquables au coeur des dispositifs immobiliers et des métropoles urbaines (à Rome, Milan, Buenos Aires, Londres, Burlington…). Dans le même temps, les coopératives d’habitants revendiquent de nouvelles frontières du droit, s’adossent à des formes innovantes de mobilisation et de régulation publique locale et se confrontent aux exigences solidaristes qui fondent le développement durable (exigences à la fois horizontales, vis-à-vis de nos contemporains les plus démunis et verticales, d’une génération à la suivante). Ce faisant, les coopératives d’habitants apportent un démenti non négligeable aux logiques urbaines de « l’entre soi » et à leur caractère prétendument inéluctable. Cet ouvrage collectif dirigé par Yann Maury et conclu par Jean Louis Laville, a été réalisé avec le concours de membres de coopératives, de militants, de chercheurs, d’architectes, d’universitaires, d’élus issus des continents européen et américain, mobilisés en faveur de la défense d’un droit effectif au logement.