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Le 14 janvier 2011, jour de la fuite du président Ben Ali, les images d’avocats tunisiens manifestant dans leur robe noire devant le ministère de l’Intérieur ont fait le tour de la planète, véhiculées aussi bien par les médias audiovisuels que par le Web. Elles ont donné à penser que les avocats avaient joué un rôle fondamental dans les mouvements de protestation entrainant la chute du régime autoritaire issu de l’indépendance. S’il convient de nuancer cette analyse, il n’en demeure pas moins que l’avocature, plus que d’autres corps de métier, dispose de par l’exercice des droits de la défense dans les procédures judiciaires d’une proximité fonctionnelle avec le politique. L’approche sociohistorique de cet ouvrage permet justement de montrer combien les « faits » professionnels peuvent revêtir une dimension politique. Pendant la période coloniale, les revendications des barreaux ont pris un caractère politique dans la mesure où elles aboutissaient à exiger un surcroît d’autonomie et, in fine, remettaient en cause la domination coloniale. Depuis l’indépendance, sous les présidences Bourguiba et Ben Ali, les aléas de l’exercice autoritaire du pouvoir ont eu un impact sensible sur l’action professionnelle du barreau. L’analyse de l’histoire de la profession depuis 1956 contribue à mettre en exergue l’aspect complexe et ambivalent des relations entre gouvernants et avocats dans le cadre de rapports sociaux et politiques marqués par l’autoritarisme. Si les premiers ont mis en œuvre des instruments de coercition et de clientélisation de la société pour exercer leur domination, les seconds ont mobilisé des ressources juridiques et un savoir-faire professionnel pour intervenir dans le champ du pouvoir. Éric Gobe est directeur de recherche au CNRS (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman d’Aix-en-Provence). Politologue et sociologue, il a été le rédacteur en chef et le responsable scientifique de la revue L’Année du Maghreb (2004-2012). Il est l’auteur de Les hommes d’affaires égyptiens (Karthala, 1999) et de Les ingénieurs tunisiens : dynamiques récentes d’un groupe professionnel (L’Harmattan, 2004) avec Saïd Ben Sedrine. Il a également dirigé un ouvrage sur L’ingénieur moderne au Maghreb (XIXe-XXe siècles) (IRMC-Maisonneuve & Larose, 2004).