Prix public : 28,00 €
Pour comprendre les dynamiques sociales et politiques à l’œuvre au sortir d’un conflit, cet ouvrage prend pour objet les mémoires de la guerre de 1992-1995 en Bosnie-Herzégovine. Dans une démarche de sociologie politique, l’auteure y explore les conditions sociales de l’expression des souvenirs de la détention en camps entre 1992 et 2010. Que nous apprennent-elles sur une société qui a connu des transformations aussi profondes que celles liées à la violente désintégration de la Yougoslavie socialiste ? À partir d’entretiens et d’observations ethnographiques, et grâce au dépouillement d’un large corpus d’archives écrites, l’auteure réfute l’hypothèse selon laquelle les mémoires de la guerre seraient clivées selon des lignes ethnonationales. Certes, l’ouvrage met au jour un processus de politisation nationaliste des récits publics de la détention, dès les années de conflit. La prise en charge de la guerre par la justice pénale internationale favorise paradoxalement la construction par des acteurs politiques et militants bosniens d’une figure du détenu de camp comme témoin par excellence de la nature de la guerre. Toutefois, en déplaçant le regard vers l’échelle locale, l’auteure constate les limites de la politisation nationaliste des récits de la détention. En effet, le devoir de témoignage assigné aux individus y entre en concurrence avec des normes de civilité retravaillées au quotidien. Loin de l’image d’une « guerre des mémoires » ethnonationale, cet ouvrage donne à voir, dans les interactions locales, l’évitement de la politique et la discrétion de ceux qui ont été érigés en témoins. Cette sociologie politique d’une société post-socialiste en sortie de guerre vient ainsi nourrir trois grands chantiers de recherche : les travaux sur l’engagement en tant que victimes, les recherches sur l’action collective hors des démocraties dites consolidées et les études des interventions internationales de construction de la paix. En somme, cet ouvrage contribue à l’exploration de la fabrique du politique et de la civilité au sortir d’une guerre. Cécile Jouhanneau est maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paul Valéry Montpellier / ART-Dev. Ses recherches portent sur les sorties de guerres et les politiques européennes et internationales de construction de la paix. Elle a obtenu le Prix de thèse 2014 de l’Institut universitaire Varenne.