Prix public : 30,00 €
La colonisation modifie-t-elle la vie quotidienne des populations ? C’est à partir de ce questionnement global que Nessim Znaien aborde l’histoire de la Tunisie du Protectorat (1881-1956). En analysant la correspondance de la haute administration, la presse, les écrits littéraires, les archives policières, judiciaires et hospitalières, cet ouvrage traite d’un type de produits particuliers en terre d’islam : les boissons alcoolisées. Malgré l’interdit religieux touchant le vin et les boissons alcoolisées et auquel est soumise la majorité musulmane de la population, différentes élites convergent, à partir du début du XXe siècle, pour inventer une tradition viticole tunisienne. Il s’agit alors de justifier la plantation de vignes, que les colonisateurs français imposent à partir des années 1890, pour fournir le marché métropolitain en vin, dans le contexte de la crise de phylloxera qui affecte une grande partie du vignoble français. Cette production de vin entraine un essor de la consommation des boissons alcoolisées en Tunisie. Les paysages ruraux du Nord du pays se couvrent de vignes tandis que les principales villes voient leur nombre de débits de boissons augmenter. Cette « démocratisation » de l’alcool finit par poser un problème politique aux autorités coloniales et aux élites nationalistes tunisiennes et engendre une vague prohibitive dès la Première Guerre mondiale, à son apogée dans les années 1930. Dans les vingt dernières années du Protectorat, l’ivresse publique et la consommation de boissons alcoolisées par les musulmans font de moins en moins réagir les élites tunisiennes et françaises. On observe alors une banalisation de la consommation d’alcool, alors que celle-ci continue d’augmenter. Dans une approche fondée sur la culture matérielle et l’histoire de l’alimentation, cet ouvrage aborde l’histoire des boissons alcoolisées comme un « fait total », révélatrice aussi bien des mentalités politiques et religieuses, que des niveaux de vie économiques et des rapports de domination à l’intérieur des sociétés.