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Ouvrage publié dans la collection Pluriel sous la responsabilité de Fabrice d'Almeida Articles parus dans la revue L'Histoire. Couverture : Rémi Pépin Illustration : La bataille de Crécy. Enluminure française, xive siècle, in Grandes Chroniques de France (Ms. Cotton Nero E. II, fol. 152 v.) © akg-images / British Library Dépôt légal : novembre 2012 Librairie Arthème Fayard/Pluriel, 2012 © Sophia Publications, 2012. © Librairie Arthème Fayard, 2012, pour la présente édition ISBN : 978-2-818-50052-1 France-Angleterre Le grand affrontement « La guerre de Cent Ans », 1337-1453 : voilà bien un découpage chronologique qui semble assuré, une périodisation « refroidie » pour reprendre les mots d'Antoine Prost, c'est-à-dire dont on hérite comme d'une évidence. Le terme en vient même à désigner parfois l'ensemble du xive siècle et de la première moitié du xve. C'est ainsi qu'en 1902 le volume de l'Histoire de France dirigé par Ernest Lavisse et écrit par Alfred Coville, qui couvre la période 1328-1422, s'intitule Les Premiers Valois et la guerre de Cent Ans. Un siècle plus tard, le tome de l'Histoire de France dirigé par Joël Cornette et rédigé par Boris Bove pour les années 1328-1453 se nomme Le Temps de la guerre de Cent Ans (Belin, 2009). L'expression mérite pourtant d'être interrogée d'abord en ce qu'elle laisse l'impression que tout s'ordonne autour d'un conflit entre Anglais et Français, comme le donne à penser le titre du volume de l'Histoire générale conduite par Gustave Glotz et dû à Eugène Déprez et Joseph Calmette : La France et l'Angleterre en conflit (1937). Il convient aussi de bien peser les termes de l'expression : « guerre » et « Cent Ans ». Une très longue guerre de cent ans ? La date généralement retenue comme celle du début de la guerre est 1337, l'année où le roi d'Angleterre Édouard III revendique le trône de France détenu par Philippe de Valois depuis 1328. En réalité, la guerre de Cent Ans s'inscrit dans une longue rivalité franco-anglaise qui remonte au moins à deux siècles et les discussions demeurent sur la chronologie pertinente à retenir pour les débuts de la guerre, et même sur l'importance exacte de 1337. C'est Henri II, l'héritier de la maison d'Anjou qui, en épousant Aliénor d'Aquitaine en 1152 puis en s'assurant la succession au trône d'Angleterre en 1154, bâtit l'« Empire angevin » ou « Plantagenêt », qui comprend le royaume d'Angleterre, l'est de l'Irlande, et une grande partie ouest du royaume de France, selon des modalités variées de domination. Le nouveau roi, bien que très puissant, n'en demeure pas moins vassal du roi de France pour ses terres situées dans le royaume de France. Un roi, celui d'Angleterre, doit donc prêter un hommage, de plus en plus formel et juridique, à un autre, celui de France, en dépit de leur égalité de rang. En 1259, après de longs conflits politiques et militaires, parfois qualifiés de « première guerre de Cent Ans », mais aussi de nombreux accords et négociations, en particulier sur le statut des possessions anglaises dans le royaume, le traité de Paris précise les relations des deux souverains du moment, Henri III et Saint Louis. Le roi d'Angleterre reconnaît la perte des territoires conquis par Philippe Auguste (1180-1223) et Louis VIII (1223-1226) : Normandie, Anjou, Touraine, Maine et Poitou. Mais, en échange d'un hommage lige, il retrouve en fief une Aquitaine élargie, la « Guyenne ». Les rivalités ne cessent pas pour autant et les hostilités reprennent quelques décennies plus tard en 1294 avec les guerres de Guyenne. Certains historiens (comme Mark Ormrod) évoquent d'ailleurs une « longue guerre de Cent Ans » qui débuterait en 1294. Le rapport de force prend cependant un tour nouveau lorsque s'y mêlent les enjeux de succession au trône de France. Tout commence ici avec les fameux « rois maudits », les fils de Philippe le Bel (1285-1314), dont aucun n'eut de fils qui vécut assez longtemps pour pouvoir lui succéder. Les démêlés successoraux et les rivalités politiques au sein de la famille royale conduisent à établir qu'une femme ne peut accéder au trône de France alors qu'aucune règle à ce sujet n'avait été fixée. En 1316, le premier fils de Philippe le Bel, Louis X, meurt sans héritier mâle. Le petit Jean Ier, né posthume, ne survit que quinze jours. Profitant de l'incertitude due au jeune âge de Jeanne, la fille de Louis, plus que d'une prétendue loi salique qui n'est pas à l'époque invoquée en matière de succession royale, le frère de Louis, Philippe, parvient à se faire choisir comme roi sous le nom de Philippe V. Le précédent, en tout cas, est créé. En 1322, quand Philippe V meurt sans héritier mâle, Charles, le troisième frère, devient roi sous le nom de Charles IV. En 1328, celui-ci meurt à son tour sans successeur masculin. Les barons de France choisissent alors son cousin, Philippe, de la branche des Valois, arguant notamment qu'il est du royaume. Néanmoins, pour Philippe VI, le roi d'Angleterre Édouard III est un concurrent potentiel car il est, lui, le petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle et donc le plus proche parent mâle. Comme l'a montré récemment Ralph Giesey, les Anglais ont comme les Français accepté d'exclure les femmes de la souveraineté. Mais, à leurs yeux, cela n'impliquait pas l'exclusion de leurs descendants mâles. On voit donc que la question de la succession se greffe sur un long conflit de puissance et de statuts. Les guerres sur le continent d'Édouard III ou, plus tard, d'Henri V disent aussi la volonté de renforcer ou recréer une puissance territoriale ancestrale dans le royaume de France. Ainsi, progressivement, la situation s'est tendue, compliquée notamment par la question de l'Écosse, alliée du royaume de France et que les Anglais entendent soumettre. En 1337, Philippe VI confisque la Guyenne et Édouard III revendique le trône de France. Les étapes du conflit Le premier affrontement majeur est une bataille navale, au large du port de L'Écluse (actuels Pays-Bas). C'est un échec pour les Français défaits en juin 1340. Les campagnes suivantes, c'est-à-dire le débarquement et les chevauchées des armées anglaises, sont encore marquées par des victoires anglaises, à Crécy en août 1346 puis à Calais en 1347, avec la prise de la ville, qui fournit une base territoriale à Édouard III. Le conflit n'empêche pas les négociations de se poursuivre comme en 1354, avec le traité de Guînes qui n'aboutit pas. Les hostilités reprennent et le roi de France Jean le Bon est défait et capturé à Poitiers le 19 septembre 1356. Le royaume connaît alors une crise politique intense. Le traité de Brétigny-Calais en 1360 entérine la défaite. Jean le Bon, prisonnier à Londres, cède au roi d'Angleterre « en pleine souveraineté » une grande Aquitaine, les comtés de Guînes et de Ponthieu, ainsi que Calais. Son fils, le régent Charles, se soumet au paiement d'une rançon de 3 millions d'écus en plusieurs versements échelonnés pour obtenir la libération du roi. En contrepartie, Édouard III renonce à la couronne de France. Cependant, l'échange des renonciations (à la couronne d'une part, à la souveraineté sur les territoires cédés d'autre part), qui devait transformer la fameuse relation féodale si conflictuelle en un voisinage d'alliés, n'aura pas lieu. Le régent devenu roi sous le nom de Charles V relance le conflit en 1368-1369 en usant de son droit de souveraineté. Avec l'aide d'hommes d'armes audacieux comme Bertrand Du Guesclin, il reprend presque tous les territoires que les Anglais avaient obtenu depuis le début du conflit et la paix de 1360. Les négociations sont encore nombreuses dans les années 1380-1390. Le nouveau roi d'Angleterre Richard II multiplie les discours de paix, non sans liens avec les difficultés et les débats intérieurs, qui conduisent à l'entrevue d'Ardres (1396) et à son mariage avec la fille de Charles VI, Isabelle, encore enfant. Mais Richard est renversé (1399) par son cousin Henri de Lancastre (Henri IV) puis assassiné (1400), ce qui tend les relations avec le royaume de France où se développent les rivalités intestines. En 1415, le fils d'Henri IV, Henri V, débarque et défait les Français à Azincourt le 25 oc...