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L’avenir d’une ville dépend principalement de sa situation géographique. Des circonstances particulières peuvent accroître ou arrêter sa prospérité, augmenter ou amoindrir momentanément, son importance ; mais les considérations, qui réunissent les hommes en société, survivent aux circonstances et finissent toujours par prévaloir. La Réole, assise sur des collines aux pentes rapides et privée des avantages que donne une situation géographique exceptionnelle, ne pouvait grandir que par la guerre, ni aspirer à une certaine supériorité sur les autres villes du bassin de la Garonne que comme place-forte. Trop faible sous l’autorité de l’Ordre de St-Benoît pour avoir laissé une trace profonde dans l’histoire, elle acquit une importance si considérable pendant les luttes sanglantes du Moyen-Age, qu’il fallut par trois fois élargir son enceinte. Ses soldats, qui jusqu’alors avaient borné leur ambition à défendre ses murailles, entreprenaient de hardies expéditions militaires en rase campagne et ses Jurats, dont l’alliance était recherchée par les Rois et les Seigneurs ne se laissaient intimider ni par les foudres de l’Église, ni par les machines de guerre battant les remparts. La Réole, qui avait formé une ligue défensive avec Bordeaux, concluait bientôt après un traité de commerce avec les villes de l’Agenais et du Toulousain. L’exportation des produits naturels et manufacturés de la Juridiction, restreinte pendant longtemps aux villes du voisinage, s’étendait dans le Midi, dans l’intérieur de la France et jusqu’en Angleterre et les noms des négociants Réolais figuraient avec de riches chargements sur les registres de la douane de Londres. La guerre et le commerce, ces deux manifestations de la vie nationale, qui ont des effets si diamétralement opposés au point de vue des intérêts matériels, entraînent des conséquences identiques sous le rapport moral, puisqu’ils éveillent également dans l’esprit du soldat et du commerçant le sentiment de la valeur personnelle et par suite le goût de la liberté. Tel fut le point de départ des idées d’indépendance locale que les Réolais introduisirent progressivement dans la Charte de concession dictée en 977 par le duc de Gascogne et l’abbé de Fleury dans l’intérêt exclusif de leur autorité et nos vieilles et aristocratiques coutumes devinrent par ces accroissements successifs l’un des recueils de législation municipale les plus libéraux et les plus complets que nous ait légués le Moyen-Age. Ce code des franchises d’une petite ville justifie mieux que les quatorze sièges soutenus par nos aïeux le souvenir laissé dans les Annales du pays par une population, qui sut conquérir et garder de sages libertés... (extrait de l’Introduction, édition originale de 1873).