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Il est peu d'œuvres poétiques contemporaines qui invitent autant que celle de Guy Goffette à poser radicalement la question de l'expression lyrique. Tous les ingrédients que la tradition répète à loisir, en effet, sont là : expression du sentiment, aspiration à l'idéal, mélancolie, déploration du temps passé ou perdu, primauté de la voix et valorisation des ressources musicales du langage... Or nous sentons bien que chacun de ces motifs est trop stéréotypé ou trop vague pour rendre compte des subtils enjeux de cette écriture. Pour y voir un peu clair, il faut aller plus loin : chercher vraiment à entendre ce que la poésie réclame et ce pourquoi elle porte plainte. Il convient d'observer tout d'abord que la parole poétique de Goffette entre plus directement et vivement dans l'intime que tout autre. Elle ne l'exprime pas, elle le traque, le débusque, le poursuit parmi ses contradictions et ses jeux de masques, ses leurres, ses faux-semblants, ses bonnes et ses mauvaises consciences... Elle interpelle, questionne, insiste, malmène ; elle tutoie et rudoie, elle parle du « je » comme d'un autre ; elle y met la plume comme on y met le fer, avec l'espoir qu'il accouche d'une vérité. Cette vérité concerne moins le poète que son lecteur dont la figure se trouve curieusement prise au beau milieu de cette espèce d'intime scène de ménage dont le sujet lyrique est le théâtre. C'est de la vie commune, dans les deux sens du terme, qu'il est ici question... Du sort de tous et de chacun tel qu'il se connaît décousu et tel qu'il aspire à une chimérique unité La poésie lyrique regarde l'existence dans l'angle du sentiment et demande : qu'est-ce que la vie d'un homme, avec ses « amours de bric et de broc, toujours plus ou moins contrariées » ? Ainsi donne-t-elle à entendre de combien de lignes de fuite, de bosses et de creux, une existence humaine est faite, ce qu'elle suppose de prétentions éconduites et d'espérances déçues. Si le Temps ainsi presse sur l'âme et la fait gémir dans le noir, si l'avenir jamais ne tient ses promesses, c'est que nous sommes travaillés d'étranges désirs, peu cohérents, mal explicables, et qui nous conduisent si souvent à trahir l'amour même que nous aurions bien mauvaise grâce à déplorer qu'il nous manque ! À travers sa fièvre de comparaisons et de métaphores, l'écriture lyrique de Guy Goffette semble à la recherche d'une image, d'une formule ou d'une clef, qui la délivrerait enfin de son mal en le nommant une fois pour toutes... Mais un tel salut ne vient pas. Les mots ne sont que de l'herbe sèche que l'on arrache, ou des poignées de sable que l'on jette au vent. L'écriture ne peut que « remâcher » indéfiniment ses larmes. En vers ou en prose, elle est contrainte de déchirer et repriser les mêmes phrases tristes et coupables. Telle est la punition du poète-Pénélope qui attend en vain le retour du sens et de la pureté perdue ! La poésie de Guy Goffette diagnostique cruellement l'incurable maladie dont souffre la vie commune. Nous autres, frères humains, sommes un bien curieux mélange de liens et de coupures ! Comme la poésie même en ses filages et ses césures... Tout poème est un « manteau de fortune », un canevas de fuites et d'attaches. Partance : tel pourrait être, en définitive, sous la plume de Goffette, le mot-clef du mal-être. Comme on le dit d'une vieille barque accrochée à la rive, que le courant aspire, et qui tire en vain sur sa corde... Merci aux étudiants du master professionnel Rédaction et Edition de l'Ecrit (REDE) d'avoir accompagné Guy Goffette et son œuvre, toute une année durant, le temps de concevoir et mener ce livre à son terme. Et merci au poète de les avoir accueillis avec tant d'amicale attention.