Prix public : 22,00 €
Ce livre est né d'un projet collectif, au départ tourné vers l'histoire du Web. Au fil des discussions sur les enjeux scientifiques, méthodologiques, épistémologiques de l'histoire de la Toile, et certainement aussi parce que l'équipe qui portait ce projet est profondément interdisciplinaire et compte, aux côtés des historiens, des chercheurs en sciences de l'information et de la communication ou en sociologie de l'innovation, celle-ci a commencé à élargir et déplacer assez naturellement sa réflexion de la question du temps historique à celle plus large du temps et des temporalités du Web, en un dialogue passé/présent qui se voulait ouvert à une diversité d'approches, de recherches et de disciplines. Signe de l'intérêt pour ces thématiques et de la fécondité des approches temporalistes, la SFSIC plaçait aussi quelques mois plus tard cette thématique au cœur de son congrès annuel. Et en effet cet objet est d'autant plus fécond qu'il permet un dialogue entre chercheurs autour de deux objets, qui l'un comme l'autre sont loin d'être univoques: le Web et le temps. Alors que le fonctionnement en temps réel, la promesse de l'instantanéité et l'accélération continue des échanges en réseaux ont été des éléments récurrents des discours fondateurs sur les « nouvelles technologies de l'information et de la communication », force est de constater que celles-ci n'ont aboli ni le temps ni l'espace. Davantage encore, les rapports différenciés au temps se sont multipliés et structurent l'expérience contemporaine du numérique. Ce sont ces temporalités variées que ce livre collectif, dans le prolongement du colloque organisé par le projet ANR Web 90 (ANR-14-CE29-0012-01) en décembre 2015 à l'Institut des sciences de la communication (CNRS/Paris-Sorbonne/UPMC), souhaite mettre en lumière, au travers de l'analyse du Web dans ses dimensions passées, présentes et futures, individuelles comme collectives, sociales tout autant que techniques, économiques et politiques. Organisé en deux parties, le livre s'ouvre sur des approches tournées vers les traces, les mémoires, l'histoire du Web et par le Web. Enchâssées dans la longue durée se succèdent les « révolutions » ininterrompues de la technique, que Paolo Bory invite à replacer dans le temps long des médias, tandis que dissimulée derrière l'éphémère du fil de discussion et derrière les soubresauts de la toile et des réseaux socionumériques se cache la complexité de l'événement, sur lesquels reviennent notamment Frédéric Clavert et Sophie Gebeil. Imaginaires médiatiques, imaginaires portés par les médias à l'instar de ceux que Stéphanie Le Gallic dévoilent au travers de l'étude de publicités de FAI ou de ceux sous-jacents au passage des partis politiques sur la Toile qu'éclaire Anaïs Theviot, temporalités du web archivé abordé par Niels Brügger, mais aussi regards nostalgiques et sauvetage de traces numériques dont Gustavo Gomez-Mejia analyse les acteurs et ressorts, cette partie plonge au cœur de la mémoire et de l'histoire du Web. Mais elle éclaire aussi ce que le Web fait à l'histoire et à la mémoire: outre les approches tournées vers les mémoires et commémorations en ligne, ce sont aussi des processus de mise en mémoire et patrimoine instrumentés par les technologies numériques que Lénaïk Leyoudec explore. Au fil des contributions apparaît en filigrane la variété des approches épistémologiques, historiographiques et méthodologiques qui permettent d'aborder le « Web d'avant », l'histoire du Web et les modalités de son écriture, ses acteurs, ses sources. Permettant de penser le rapport entre rythmes de l'événement d'une part et rythmes de la Toile et des réseaux sociaux numériques d'autre part, ou encore les conditions sociales et politiques qui favorisent ou freinent l'engagement en ligne, cette première partie dégage des enjeux temporels que la seconde prolonge en se tournant vers les agencements, hybridations mais également tensions provoquées par l'imbrication accrue des temporalités humaines et techniques. Alors qu'ont succédé aux craintes face à la cyberdépendance des années 1990 les enjeux posés par l'hyperconnectivité, cette seconde partie souhaite interroger les évolutions de notre rapport au temps induit par les usages des réseaux sociaux numériques et plus généralement du Web. Aux réflexions plus théoriques et programmatiques, sur les synchorisations réticulaires par Boris Beaude, qui lie étroitement espace et temps, ou sur le besoin d'approches temporalistes et leurs conditions par Jean-Claude Domenget, répondent des terrains, temps et espaces d'analyse variés, de la sphère professionnelle qu'étudient Valérie Carayol ou Gérald Lachaud, aux temporalités religieuses que David Douyère confronte au numérique, en passant par les rythmes informationnels et d'actualités chez Arnaud Mercier et Dario Compagno, politiques chez Lena Hübner ou Carles Sora ou transmédiatiques chez Christel Taillibert. Portant sur des aspects cognitifs, sociaux ou économiques, c'est le temps vécu et/ou perçu, la séparation entre les différents temps de l'individu, mais aussi ceux collectifs, domestiques comme professionnels, qu'aborde ainsi cette seconde partie. De l'hyperconnectivité à la cyberflânerie, des flux de données, de l'éphémère et du présentisme à l'archivage du Web, nous vous invitons à découvrir au fil de ces contributions ce qui fait de la Toile une expérience de la durée et de l'instant, en vous laissant pour boucler la réflexion en compagnie de Benjamin G. Thierry, non sans l'avoir remercié ainsi que l'équipe Web90 et tous les auteurs de cet ouvrage pour leur implication.