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Au premier coup qui atteignit Don Lope de Aguirre au-dessus de la poitrine, il dit : « Ceci n’est rien ! », mais l’autre coup l’ayant atteint au milieu de la poitrine, il s’écria : « cette fois, oui ! » et tomba raide mort, comme un hérétique ou un païen, sans rien ajouter de plus, et cela par orgueil, comme s’il était plus avantageux pour lui de paraître mourir courageusement que chrétiennement. Il avait dit plusieurs fois que s’il ne pouvait arriver au Pérou, et s’y détruire et tuer tous ceux qui s’opposeraient à lui, au moins, le souvenir de ses cruautés resterait dans la mémoire des hommes et sa tête serait placée sur le pilori, afin que son souvenir ne s’effaçât jamais ; et cela, disait-il, suffisait pour le contenter. C’est ce qui fut accompli à la lettre et son âme alla en enfer où il désirait aller, disait-il souvent, parce que Jules César, Alexandre le Grand et d’autres grands capitaines y étaient, tandis qu’au ciel il n’y avait que pêcheurs, charpentiers et gens de rien. Il fut donc à l’enfer tenir une éternelle compagnie à ces illustres guerriers, et il restera de lui le même souvenir que de l’infâme Judas, pour qu’on le maudît et le honnît comme l’être le plus pervers qui soit né dans le monde. <br /><i>Dans l’année 1559, des gentilshommes espagnols et portugais descendent l’Amazone à la recherche de l’Eldorado. A partir du manuscrit de Francisco Vázquez, membre de l’expédition, voici exposée l’épouvantable et véridique histoire de Don Lope de Aguirre, rebelle à son roi.</i>