Prix public : 24,00 €
La vie et la pensée de William James sont si difficilement séparables que le livre prend pour thème principal la tension créatrice qui anime leur rapport réciproque. Elle fait de cet auteur un exemple typique du rapport étroit, qu'il n'a jamais cessé d'affirmer lui-même, entre biographie et philosophie. Ceci le rattache moins à l'histoire classique de la philosophie qu'à des auteurs comme Pascal, Kierkegaard, Nietzsche ou Wittgenstein â auteurs qui ont fait d'un acte singulier le centre de leur pensée, foulant aux pieds les normes du discours académique. L'ouvrage étudie donc, en plus de l'histoire du pragmatisme que James a beaucoup contribué à vulgariser, les dimensions multiples et moins connues de ce parcours qui ont aussi fait de lui le fondateur américain de la psychologie scientifique puis le défenseur d'un empirisme radical ayant inspirés des auteurs aussi variés que Russell, Whitehead ou Deleuze. Frère du romancier Henry James, le contexte familial d'élaboration de sa pensée est remarquable. Son père, auteur d'une oeuvre conséquente mais dont le rayonnement a été absorbé par l'oeuvre de ces deux fils aînés, donne à ses aînés une éducation inspirée des thèses de Fourier d'après laquelle la force irrésistible du désir est le seul principe opérant. Ceci amène le jeune William à étudier successivement la peinture, puis la chimie et la physiologie, avant d'obtenir un diplôme de médecine. Cet héritage familial est aussi important en ce qui concerne l'inquiétude religieuse de William James. Comme son père, il a connu une crise aiguë de mélancolie qui l'a amené au bord de l'internement psychiatrique et qui a largement déterminé à la fois de nombreux aspects de son oeuvre ainsi qu'un tempérament sensible au sort des défavorisés. Elle explique en partie ses engagements souvent méconnus envers les recherches psychiques (il a été président de la branche américaine de la société des recherches psychiques) et ses engagements de militant politique, proches des tendances anarchistes de l'anti-impérialisme (il a été président de la Ligue anti-impérialiste). Ces expériences singulières forment l'arrière-fond méconnu de son oeuvre connue, les coulisses de sa pensée. Son expérience des troubles mentaux explique aussi en partie ses recherches en psychopathologie, poursuivant les recherches de l'école française de psychopathologie (Pierre Janet), et la manière dont il s'en est servi pour élaborer une psychologie de l'expérience religieuse. Le livre s'attache particulièrement à montrer les dimensions inclassables de cette oeuvre, en insistant particulièrement sur les moments peu connus (James enseignant la physiologie à Harvard) ou peu accessibles (notamment du fait de la non-traduction en français de nombreux textes de sa première période). Elle montre aussi comment le génie de James s'est formé au contact d'une pléiade d'autres génies contemporains, pris lors de ses nombreux voyages transcontinentaux, et qui font de lui un vrai "intellectuel collectif".