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Par-delà le légendaire, il apparaît bien que Malraux aura saisi l’essentiel du siècle : fin de la domination européenne, déchristianisation, les totalitarismes fascistes et communistes machine d’asservissement, mutation civilisationnelle du monde de l’écrit aux usines à rêves porteuses d’autres formes d’asservissement. Pour Malraux, la seule valeur capable de témoigner contre le Mal, à défaut de la vaincre, fut la fraternité, aussi bien réponse au mal que condition d’une société digne – fraternité est seule capable de restituer aux être leur dignité humaine. Ni philosophe, ni théoricien, encore moins doctrinaire, la fraternité n’est pas pour Malraux une valeur abstraite mais une expérience incarnée qui s’oppose à celle de l’humiliation. De même que, comme le disait Paul Ricoeur, « notre première entrée dans la région du droit n’a-t-elle pas été marquée par le cri : C’est injuste ! », la découverte de la fraternité chez Malraux commence par ce qui en constitue la négation absolue, à savoir l’humiliation –laquelle constitue pour lui une catégorie métaphysique et politique fondamentale. La fraternité est au cœur de l’œuvre de Malraux, aussi bien de l’œuvre romanesque, de l’œuvre esthétique que des écrits de la dernière période qui vont des Antimémoires à L’Homme précaire et la littérature. Chez Malraux, la fraternité est tout à la fois la condition préalable de la justice et la finalité de cette dernière. Sans fraternité, pas d’égalité réelle et pas de justice possible.