Prix public : 12,00 €
L'éloignement de ce grand nom de la littérature d'entre-deux-guerres dit beaucoup de notre malaise contemporain : Jean Giraudoux (1882-1944) incarna en son temps l'humanisme républicain. Cet héritier des Lumières est devenu suspect à la fin des années 1960. À l'heure où triomphait l'absurde et où fascinait la " barbarie " de Céline, son humanisme rayonnant et délicat dérangeait. Aujourd'hui, nos mémoires obscurément imbriquées – républicaine, laïque, vichyste, résistante, juive – peinent à se reconnaître dans le miroir déformant de son œuvre. Quelque chose chez Giraudoux fait sécession par rapport aux normes sociales. D'où sa méfiance à l'égard des formes du droit et sa pratique de l'utopie. La révolte en demi-teintes qui l'anime le conduit à porter sur son temps tragique un regard éloigné, faussement indifférent. Giraudoux aurait-il péché par innocentement de l'Histoire ? Il faut se méfier des lectures rétrospectives qui replacent une œuvre antérieure à la Libération dans la lumière crue de l'après Shoah. Giraudoux n'a pas trahi ses idéaux républicains. On repère chez lui un point de tension entre la menace de leur effondrement et la nécessité d'un ressaisissement. Dans cette lumière, son œuvre surprend par son tranchant : féministe et écologiste, curieuse de l'Autre jusqu'à l'anxiété, laïque mais inquiète.