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DU MÊME AUTEUR CHEZ LE MÊME ÉDITEUR Comme un arbre en voyage, entretiens avec Jean Royer et François-Régis Barbry, 1999. www.editionsarchipel.com Si vous souhaitez recevoir notre catalogue et être tenu au courant de nos publications, envoyez vos nom et adresse, en citant ce livre, aux Éditions de l'Archipel, 34, rue des Bourdonnais 75001 Paris. Et, pour le Canada, à Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont, Montréal, Québec, H3N 1W3. eISBN 978-2-8098-1080-6 Copyright © Éditions de L'Archipel, 2005 ; 2008. Au piano complice, à l'oreille sensible et à l'amitié généreuse d'Yvon Bélanger, Gaston Rochon, Robert Bibeau et Bruno Fecteau. G. V. Préface « J'ai pour toi un lac... un cristal frileux », « Samedi soir à Saint-Dilon... on va danser chez Bibi ». Je me souviens du plaisir ressenti en découvrant Gilles Vigneault, son imagerie poétique, ses rythmes entraînants qui donnent envie de « danser sur [sa] musique ». Mais comment aurais-je pu soupçonner le rôle que cet auteur et ses œuvres allaient jouer dans l'évolution sociale des Québécois ? Il est difficile de se rappeler, cinquante ans plus tard, combien la société du Québec était alors muselée dans son âme et dans son expression. Un clergé puissant contrôlait largement l'éducation, l'expression écrite et les manifestations artistiques. De plus, la langue française, prétendue « gardienne de la foi », n'était pas vraiment persona grata sur la place publique. Tout cela allait changer rapidement autour des années 1960 grâce à la Révolution tranquille qui a vu s'évanouir le pouvoir du clergé et s'épanouir l'identité francophone du pays. Dans le désarroi créé par ce bouleversement et l'évanouissement rapide de cet enfermement, les Québécois ont trouvé chez Gilles Vigneault une voix pour exprimer leurs sentiments et leurs émotions. Au travers de ses accents homériques, ils ont découvert leur amour pour ce Québec aux grands espaces (dont souvent ils n'avaient qu'une vague connaissance) et pour la chaleur de ses habitants. Vigneault chante un pays, le sien, le nôtre. Il l'aime tel qu'il est, sans restriction, avec son hiver interminable et son printemps si longuement attendu : « Mon pays ce n'est pas un pays c'est l'hiver », « Ah ! que l'hiver tarde à passer ». Avec un bonheur teinté parfois de nostalgie, il nous emmène visiter les « îles de [son] enfance » qu'il célèbre avec les accents vibrants de sa voie rocailleuse. On respire avec lui « l'air propre de Natashquan » qui nous manque tellement dans la pollution de nos grandes villes. Son affection profonde pour les « gens de mon pays », il nous la fait partager « en descendant la rue Saint-Jean ». Ceux-là mêmes sur lesquels il porte un regard affectueux teinté d'un humour sans malice. « Tout le monde est malheureux tout l'temps. » Dans l'esprit des bardes antiques, il dessine pour nous les images de personnages de haute stature intégrés aux dimensions des paysages : Jos Monferrand « le cul su'l' bord du cap Diamant, les pieds dans l'eau du Saint-Laurent », Jack Monoloy l'Indien qui aimait une Blanche, Gros Pierre, Charlie Jos, etc. « Doux comme une aile d'istorlet » (Si les bateaux)... Les oiseaux, les paysages marins évoqués dans ses chansons s'associent pour donner une allure de grand large à l'expression des sentiments exprimés. « J'ai mal à la Terre. » La portée de sa parole dépasse souvent les dimensions locales. Le message est impérativement actuel. Le réchauffement planétaire, la destruction de la couche d'ozone, l'érosion de la biodiversité n'ont cessé de s'accél érer et font craindre le pire. Puissent ses mots continuer à se propager et amener une prise de conscience de cette situation de crise. Pourtant, l'espoir est là : « J'ai planté un chêne. » Gilles Vigneault restera d'abord celui qui nous a invités à danser sur sa musique. Et, pour cela, nous lui garderons toujours une vive reconnaissance. Hubert REEVES Introduction Fêté pour ses quarante-cinq ans de scène en 2005, auteur de l'hymne officieux du Québec (« Mon pays »), déclaré « monument national » par un grand hebdomadaire québécois, entré vivant en France dans les panthéons de MM. Larousse et Robert, Gilles Vigneault est toujours fringant. Comme Félix Leclerc, il a gardé les pieds solidement ancrés dans sa terre de Québec ; et chacun de ses mots, chacun de ses contes, chacun de ses poèmes, chacune de ses chansons en tire sa sève. La chanson « Mon pays » brave le temps et les modes, pour faire désormais partie de la mémoire collective. Depuis ce fameux jour de la Superfrancofête qui a consacré à jamais leur trio royal, Félix Leclerc avait coutume de dire que, dans la chanson québécoise, il représentait la lampe à huile, Gilles Vigneault l'ampoule électrique et Charlebois le néon... ; mais que l'important c'était la lumière. Et c'est bien cette lumière de la culture québécoise que porte en elle toute l'œuvre de Vigneault. Une trentaine de recueils de poèmes, de chansons, de poèmes devenus chansons, de contes et de comptines jalonnent sa vie (il serait incongru de parler de carrière), au même titre que ses concerts. Et sans doute sa palette apparaît-elle aussi foisonnante et multicolore justement parce qu'elle fait partie intégrante de sa vie. C'est du moins ainsi qu'il l'explique lui-même, à propos du recueil Bois de marée (1992) : « On n'écrit pas que des poèmes pendant un mois. On n'écrit pas que des chansons pendant un autre... Le cours des choses est constamment rompu par des esquisses, des recherches, des pensées qui viennent donner à ce que l'on a fait une sorte de relief critique et fort précieux pour la suite du travail. On dessine, on chantonne, on note, on rature, on choisit. On garde, on jette, on rêve et puis... on recommence! À tourner la page des jours, le temps et la saison, la lune et la marée, les pas et les visages, les chemins, les silences ne sont jamais les mêmes. Qu'il en aille ainsi de ce livre : je voudrais qu'il ressemble à la vie. » Précisément ce qu'en d'autres termes il chantait déjà en 1964 : « Ma chanson, ce n'est pas ma chanson, c'est ma vie » (« Mon pays ») ! LES GENS DE MON PAYS Un pays, un homme, un arbre : l'œuvre de Vigneault s'appuie sur ces trois piliers aussi indispensables que l'air, la terre, l'eau et le feu. Chacun de ces éléments cristallise les deux autres autour de lui selon une subtile alchimie. Et sur ces trois piliers, en même temps qu'il construit son univers poétique, c'est à une quête intime et universelle qu'il s'adonne, tout en nous l'offrant en partage. Si l'on en croit ses amis de la première heure, Roger Fournier et Jean Royer, la toute première chanson qu'il ait lui-même chant ée en public a été « Jos Monferrand ». Ce portrait d'un personnage mythique donne la dimension symbolique et enracinée, lyrique et populaire de la chanson de Vigneault. Il en fait un géant qui tutoie le vent et l'océan, « Le cul su'l'bord du cap Diamant /Les pieds dans l'eau du Saint-Laurent », pour chercher à apaiser ses inquiétudes sociales et métaphysiques. Un géant qui ressemble comme un frère à un petit Québec qui voudrait grandir et s'affranchir... Après lui, d'innombrables acteurs, rencontrés pour la plupart ou imaginés parfois, viendront enrichir une galerie de portraits hauts en couleur. Les uns au détour d'un vers, les autres au fil d'une chanson entière : Caillou Lapierre, ce roc dont quatre-vingt-dix années n'ont pas émoussé l'énergie ; Monsieur P'titpas, le portageur, modèle de calme, d'équilibre et de bon sens pour le jeune Gilles ; Jean Bourgeois, exilé en ville, qui a tiré un trait sur son village et son enfance en quittant l'un et l'autre. Et puis Tit-Franc la Patate ; Tit-Paul la Pitoune, le chien fou qui « gagne sa vie pis la dépense » ; Jean du Sud, le pêcheur côtier ; Jos Hébert, le facteur magnifique ; Jack Monoloy, l'Indien qui s'est noyé dans les rapides parce qu'il ne pouvait épouser sa belle ; Zidor, le prospecteur, qui a « perdu aux cartes /Son cuivre et son or »; et Bébé la Guitare ; Berlu, trente-six métiers trente-six misères ; Gros Pierre, abandonné par sa Laurelou, attirée comme un papillon par la lumière de la ville ; tout comme John Débardeur... qui « charge et décharge/Les caboteurs, les carg...