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Parmi les quelque mille sept cent poèmes qu'a légués Emily Dickinson à la postérité, plusieurs centaines traitent indirectement ou directement du sentiment amoureux et dessinent la trajectoire de vie d'une amante incessante et inquiète. Le décor de toutes ces amours, explicites ou allusives, fut probablement limité aux parois d'un cerveau et aux quatre murs d'une maison de famille. La poétesse vécut un peu plus d'un demi-siècle de célibat, même si elle entretint avec plusieurs hommes, mentors littéraires mais aussi amants impossibles, une abondante correspondance. Entre lyrisme sentimental et trouble du désir, amitié et amour, l'adolescente Emily imagine un ou plusieurs hommes à l'horizon de ses désirs inassouvis, mais « la porte de chair impatiente » ne s'est peut-être jamais entrouverte devant ses pas. Quant à la jeune femme, elle fantasme dans bien des versions (autant de variantes d'un mythe personnel) des noces abstraites et décisives, dont le décor n'est pas l'église d'ici bas mais la sphère céleste. L'amour est en vérité « chose étrange sur terre » et Emily Dickinson, femme mûre ou résignée, aura consumé toute une existence d'amoureuse et de créatrice à en arpenter les étranges contrées, avant qu'une harmonie apaisée règne entre les amants terrestres, lesquels deviennent après leur mort d'authentiques complices mystiques :
Le Blé comblait son dernier Grain –
Attendant le Fléau –
Quand ils fendirent – en Perfection –
La Brume du Tombeau