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Les transitions sociales et les mutations culturelles, passées ou présentes, ont déjà reçu de multiples et utiles éclairages. Mais ces analyses en taisent une dimension essentielle : tout sens défunt, individuel ou collectif, sassortit dun processus de deuil. La qualité de ce dernier, dès lors, ne colore-t-elle pas, voire ne fonde-t-elle pas, les nouvelles créations culturelles et sociales ? Pareille hypothèse obligeait à une exploration minutieuse des deuils collectifs, négligés dans les sciences humaines en dehors de cas extrêmes, tels les génocides. Revisiter au préalable les deuils individuels simposait aussi : bien que traités en abondance par dinnombrables auteurs, leur essence a au mieux été effleurée. À savoir leur rôle nucléaire dans toute création humaine, en particulier de sens. Jean-Claude Métraux, pédopsychiatre de formation, a acquis une longue expérience professionnelle auprès de personnes et de communautés frappées par des pertes multiples. Il établit, dans cet ouvrage, la distinction fondamentale entre tragédies mortifères et créatrices, entre deuils et traumatismes, trop souvent confondus , il identifie les mécanismes de survie mis en oeuvre par « les damnés de la terre » , analyse les ressorts psychiques et sociaux de lutilitarisme, de lhymne moderne à lindividu, au progrès et à la maîtrise , contribue, avec les concepts de deuils congelés ou fossilisés, à lintelligibilité de phénomènes aussi disparates que le totalitarisme ou la mondialisation, lobsession présente pour violence et terrorisme, ou la contradiction inhérente à certaines formes daide humanitaire. Mais lenjeu dépasse cette interprétation originale des tragédies humaines. En débusquant lincidence des deuils inachevés sur les idéologies, théories et pratiques, individuelles et communautaires, ce livre montre que la création sociale, dont nous sommes tous les anonymes auteurs, na pas encore dit son dernier mot.