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L'instruction judiciaire et les deux procès de Stéphane Moitoiret et de Noëlla Hégo, accusés du crime atroce de Valentin, un garçonnet de 11 ans massacré de quarante-quatre coups de couteau dans une ruelle sombre de Lagnieu (Ain) en juillet 2008, marquent pour la justice pénale comme pour la psychiatrie légale un sombre tournant, confinant à un retour vers l'obscurantisme. Durant plus de vingt ans, Moitoiret et Hégo ont arpenté les routes et les villages de France, partageant un délire mystique, persuadés de réaliser une « mission divine » qui consistait à « remettre en route l'horloge du destin ». Il faudra leur arrestation pour que l'on comprenne que ces « doux dingues » étaient de grands malades mentaux délirants, jamais diagnostiqués auparavant. Le « crime immotivé » qui leur est reproché s'inscrit dans le cadre d'un « délire à deux », phénomène clinique devenu rarissime et dont il n'existe de réel précédent en France que le célèbre « double crime des sœurs Papin », au début des années 1930. Les divergences des experts ont révélé la profonde fracture entre deux écoles de la psychiatrie légale : d'une part, les tenants de la confrontation à la loi, de l'autre, des psychiatres plus classiques, héritiers des aliénistes du xixe siècle, qui refusent la responsabilité pénale des grands psychotiques au nom d'une certaine idée de l'humanisme médical. À travers l'analyse des faits et des témoignages, l'examen des pièces de procédure, le compte rendu des audiences et la mise en confrontation de tous ces éléments avec l'évolution historique des concepts nosologiques et pénaux, cet ouvrage montre comment et pourquoi, au xxie siècle, il est redevenu possible de condamner des aliénés. Les fous, pourtant généralement protégés par leur maladie depuis l'Antiquité, ne sauraient échapper dorénavant au lot commun : la geôle plutôt que le soin – même contraint –, l'incarcération plutôt que l'hospitalisation – même sécurisée –, le surveillant de prison plutôt que le médecin.