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"Le vrai Paris est plein de cours des miracles, réceptacles à trois centimes la nuit d'êtres impossibles et de fantasmagories humaines à faire damner les plus roués diplomates de la rue de Jérusalem. Là dans un nuage de vapeur ammoniacale, épaissie comme un nuage, et dans des couches qui n'ont pas été refaites depuis la création du monde, reposent côté à côte des centaines, des milliers de banquistes, de marchands d'allumettes, de joueurs d'accordéon, de bossus, d'aveugles, de boiteux, de nains, de culs-de-jatte, de nez dévorés dans une querelle, d'hommes-caoutchouc, de clowns sur le retour, d'avaleurs de sabres, de jongleurs qui portent un mât de cocagne sur le bout des dents, comme vous et moi une meringue à la crème." Voilà une description pour le moins déroutante du "vrai Paris", ce que nous appellerions aujourd'hui le vieux Paris, ses rues étroites, ses culs-de-sac, ses chiffonniers aux abords de feu la Bièvre. Rien à voir avec le Paris mythique, celui de la terre idéale des artistes, sol des grands hommes et des plaisirs. Le "vrai Paris" est tout ce que le "faux Paris" cherche à masquer?: la fange et le vice. Il est Lutèce, du latin lutum, la boue, le marécage. Mais le faux, celui de la modernité, ne peut se défaire du vrai : pour Rattier, la capitale ne va pas tarder à tomber du haut de ses sommets dans le bas Lutèce. Le faux Paris est une ville tirée au cordeau, aérée pour contrôler ses émeutiers. Rattier lit l'avenir dans le présent. Et c'est sur la voie de l'utopie qu'il s'engage?: il rêve d'un Paris sans misère, d'un Paris artiste, émancipé des ségrégations. L'auteur écrit une satire virulente de Paris transformé en vilain personnage, bientôt transfiguré sous les doigts du baron Haussmann. Il reste que Paris n'existe pas, parce qu'il est contradictoire, multiple, indéfinissable.