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Les textes ici rassemblés et présentés par le grand spécialiste et traducteur de Maître Eckhart qu'est Alain de Libera sont tous consacrés à l'un des thèmes fondamentaux de la pensée eckhartienne, le plus constant aussi et le moins bien compris : l'humilité. La doctrine eckhartienne de l'humilité s'inscrit au plus vif d'une confrontation entre philosophie et théologie, qui connaît alors son apogée. D'un côté, la grandeur d'âme, la «magnanimité » des philosophe inscrits dans la lignée d'Aristote, de l'autre, l'« humilité » du théologien et la vertu du moine mendiant. Pour Eckhart, l'humilité est la racine de la diffusion de Dieu. Dieu ne peut « refuser aucune grâce à l'homme humble, non plus qu'en accorder aucune à l'orgueilleux » L'orgueil, c'est la magnanimité sans l'humilité, la nature sans la grâce, la philosophie sans le Christ. L'« humilité » n'est donc pas seulement une vertu morale. C'est une vertu ontologique et plus qu'ontologique. C'est une « racine plantée dans le fond de la déité ». La doctrine de l'humilité que Maître Eckhart est venu dire « à Paris, dans l'école » est une doctrine de la divinisation. Mais les « grands maîtres de Paris » ne l'ont pas comprise. Eckhart a pu simultanément passer pour un « fou », aux yeux des philosophes de métier, pour un « hérétique » aux yeux des spirituels et pour un « aristotélicien radical » aux yeux des théologiens conservateurs qui, jusqu'en la Curie d'Avignon, l'ont accusé d'avoir professé « l'éternité du monde ». Cette triple incompréhension a eu ses conséquences. C'est le point de départ médiéval d'une opposition entre « philosophie » et « mystique » qui pèse encore aujourd'hui.