Prix public : 19,00 €
Publié en 1943 chez Mondadori, J'ai vu les Muses a imposé Leonardo Sinisgalli (1908-1981) comme l'un des grands poètes italiens de l'après-guerre. L'été 1935, Sinisgalli retourne dans sa terre natale, cette Lucanie - appelée aujourd'hui Basilicate - qui fut la patrie d'Horace. L'automne venu, «quasi décidé à ne plus retourner en ville», il compose les 18 poésies qui formeront le coeur de son recueil. Il y trouve soudain son ton véritable, détaché des influences d'Ungaretti et de Quasimodo, perceptibles dans ses premiers poèmes. Une personnalité se dessine, en marge de l'«hermétisme» naissant auquel il lui arrivera - notamment à Montale - de reprocher une excessive obscurité. La réflexion sur les convergences entre poésie et sciences, la méditation des conséquences pour l'homme des progrès de la technique, une vive attention aux arts plastiques - lui-même dessine et peint - constitueront les axes majeurs d'une pensée inlassablement tournée vers le présent, mais revenant toujours à ses grandes références : Léonard de Vinci, Descartes, Pascal. Rétif à toute pose esthétique, Sinisgalli met en oeuvre une poétique de la confidence, solidaire d'une éthique de la confiance et du partage. Privilégiant les rythmes brefs et impairs, les textes de J'ai vu les Muses affirment les traits majeurs qui caractériseront cette poésie : le refus de l'éloquence, le goût du détail incongru, l'éloge des choses de la vie quotidienne. Rarement poésie aura su faire voir avec autant de justesse et de tendre ironie un monde saisi dans son essentielle fragilité. «J'ai vu les Muses» : cette affirmation, qui peut sembler orgueilleuse, il faut l'entendre comme portée par un souffle ténu et aussitôt mise à distance par un sourire gentiment moqueur, car les Muses ne sont ici que de vieilles créatures au statut indéfini qui «jacassent» dans un arbre... Dans sa subtilité, son humour et sa discrétion revendiquée, l'oeuvre de Sinisgalli nous apparaît aujourd'hui comme l'une des plus puissamment personnelles de ce temps.