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Nourrie d'une expérience intérieure riche et subtile, la pensée de Joubert est naturellement tournée vers la méditation spirituelle : « Je me disais autrefois, si à l'extrémité du monde matériel on étendait son bras, où aurait-on sa main ? Dans Dieu ! Eh bien ! nous y sommes. » Au seuil des temps modernes, ce grand méditant avait déjà entrevu le chaos dans lequel nous sommes ballottés, lorsqu'il évoque « ces temps où les événements n'ont pas de liaison connue, n'ont pas une juste étendue, mais sont rapides, sont subits, et se croisent comme des éclairs, et se chassent comme des flots ». Pour arriver à l'existence véritable, Joubert nous appelle à rechercher « le repos dans la lumière ». Car nous baignons de toutes parts dans l'éternel : « L'éternité, nous y touchons en arrière et en avant de nous. » Entre l'obscurité et la lumière, entre notre âme et Dieu, le passage se fait par une boucle admirable : « La lumière qui vient de l'âme peut seule éclairer notre esprit. Mais la lumière qui vient de Dieu peut seule éclairer l'âme. » Éclairement aussi naturel qu'intérieur : « On sent Dieu avec l'âme, comme on sent l'air avec le corps. » Pour autant, Joubert se garde de tout sentimentalisme mystique. Il souhaite laisser sa part à la pensée, part essentielle : « Penser à Dieu, souligne-t-il, est une action. » De la pensée, rien ne se perd : « Où vont les pensées ? Dans la mémoire de Dieu. » Dieu est lui-même notre suprême mémoire : « Dieu est le lieu où je ne me souviens plus du reste.» Joubert se souvient des confidences divines faites aux prophètes (Isaïe, Osée...), les renouvelle et presque les dépasse : « C'est en effet de la volonté de Dieu que les affligés se consolent, et lorsqu'ils veulent s'abandonner à leurs chagrins, il les console malgré eux. » L'amour, qui dépouille finalement de tout, rend l'âme infiniment légère et infinie. « Quand tu auras perdu ton unique bien, il te reste encore le bien que tu peux faire aux autres. »