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Le 6 juin 1921, Rilke écrit à sa compagne Baladine Klossowska, qu'il appelle Merline : « Avez-vous lu la prose de Schickele sur son voyage en Alsace et à Paris (chez Barbusse) ? C'est très beau. » Le texte dont Rilke fait un éloge si chaleureux est le deuxième des trois textes qui constituent Nous ne voulons pas mourir, de René Schickele, jamais encore traduit en français. L'éloge est d'autant plus frappant qu'il ne concerne pas dans l'œuvre du grand écrivain germanophone un roman, une prose poétique ou un recueil de poèmes, mais un texte inclassable, où Schickele s'affirme comme figure pionnière d'« écrivain-journaliste » : historien et chantre de l'actualité, avec la même force de vision et d'écriture que son inspirateur Péguy. En 1904, âgé de 21 ans, Schickele dirige à Berlin Das neue Magazin, « à l'extrême-gauche du goût ». En 1910, il écrit à Paris pour la Straßburger Neue Zeitung. Il définit alors l'écrivain-journaliste comme « l'oreille de l'époque » et ce genre littéraire comme « l'automobile de la littérature ». Pendant la guerre, il dirige à Zurich la plus grande revue pacifiste, Die Weißen Blätter, qui publie Zweig et Romain Rolland. Publié en 1922, Nous ne voulons pas mourir « relate à la fois le vécu de ce temps et le combat pour se délivrer de l'esprit de ce temps ». Trois textes le composent : « Le 9 Novembre », sur l'échec de la révolution berlinoise de 1918 ; « Le voyage à Paris », sur les contradictions de la gauche d'alors (le texte aimé de Rilke !) ; « Vu du Vieil-Armand », méditation sur Dostoïevski et vision mystique d'une Europe unifiée : « La paix descendit en moi, conclut Schickele, car j'étais de bonne volonté, au moins cela, cela j'en étais sûr. »