Prix public : 18,00 €
Découvert par Jean Rouaud, remarqué et soutenu par Virginie Despentes, le Plaidoyer pour les justes, premier roman d'Aïssa Lacheb et très grand texte, un choc littéraire et politique toujours aussi fort, révéla en 2001 un écrivain autodidacte exceptionnel, doté d'un lyrisme vernaculaire aux accents hugoliens. Après deux livres qui reprenaient ses écrits de prison et précisaient un univers centré autour du crime et de la compassion, c'est un auteur apaisé, sûr de lui et maître de ses procédés narratifs et de son style, qui nous revient. Avec un roman noir qui expose un drame de fait divers, puissant, classique, construit en trois parties, trois actes, qui, ensemble, dessinent ce qui veut rester ignoré mais se produit pourtant chaque jour, en silence, dans la vie. Notre auteur, récipiendaire du carnet d'un assassin que ses parents retrouvent, est narrateur de l'histoire relatée. Procédé classique, qui permet la mise en abyme du roman en trois récits distincts, et autant de points de vue différents sur le drame humain qui se joue ici, un drame simple. Il y a d'abord un homme solitaire devenu assassin par rectitude humaine. « C'est bon, ma claque! 40 ans, je vais les régler ces comptes! C'est comme ça que je vois les choses maintenant, pas autrement. C'est par elle que je vais commencer, que je me suis dit, elle m'a trop fait mal, trop rendu amoureux comme un chien qu'on veut pas, j'avais 18 ans à cette époque, je me souviens bien, je foutais rien, j'étais dans le quartier, c'étaient des blocs, des blocs, des blocs et puis les champs; elle 16 ans, j'ai pas oublié, j'oublierai jamais, on peut pas oublier ça. » Puis le quotidien d'un infirmier dans un mouroir ordinaire, révolté par les souffrances muettes qui y sont infligées et les destins qui s'y brisent. « Monsieur Rodrigue n'avait pas toute sa tête mais souvent il exprimait des choses sensées. La première chose qu'il dit quand il vit le nouvel infirmier fut: « Ah c'est vous qui allez remplacer l'infirmière malade! » « Oui », avait-il répondu en faisant son plus beau sourire. « C'est bien, c'est très très bien », avait ajouté monsieur Rodrigue en s'en allant lentement vers le second ascenseur. Il dodelinait légèrement de la tête et tirait sa canne de bois derrière lui plus qu'il ne s'en servait pour s'appuyer dessus. On était à l'entrée, près du bureau des secrétaires. » Le roman s'achève quand toutes ces vies souterraines se rencontrent et se révèlent, sur un dernier récit retrouvé, le conte parallèle d'un témoin muet, qui clôt en forme de parabole un roman que l'on referme différent.