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Un traducteur facétieux et sans doute malfaisant supprime le texte qu'il traduit et multiplie les notes en bas de page, les fameuses (N.d.T.), d'habitude rarissimes, ici abondantes et prolixes, qui racontent par le menu le dégoût qu'il a du roman qu'il traduit, le mépris dans lequel il tient son auteur, et surtout les outrages qu'il fait subir au texte : suppression des adjectifs, des adverbes, de paragraphes puis de pages entières, au profit de ses propres remarques, rêves, réflexions, ajouts, etc. Les notes en bas de page occupent ainsi le premier tiers de Vengeance du traducteur. Et c'est la première « vengeance » du traducteur, son premier crime de lèse-majesté. Mais les personnages du roman américain ainsi curieusement traduit s'insinuent peu à peu dans le texte que nous lisons : Abel Prote, un écrivain français connu, vieillissant et acariâtre, auteur d'un roman intitulé (N.d.T.), que traduit en anglais David Grey, un jeune New-Yorkais qui adore se déguiser en Zorro, « le vengeur masqué ». (N.d.T.) est un roman dans le roman, mais suprêmement drôle, et s'il est plein de références et de clins d'œil ceux-ci ne snobent jamais le lecteur. On les voit ? Le plaisir de la lecture est décuplé. On ne les saisit pas ? Il reste intact. Le romanesque a ici la part belle : rebondissements, coups fourrés, révélations, trahisons, deus ex machina, passages secrets, scènes sexuelles, pièges littéraires ou « réels », machinations, déguisements érotiques ou comiques, apparitions, rêves délirants, fantasmes. Brice Matthieussent a voulu utiliser tous ces artifices et ces feux d'artifices propres au roman pour essayer de comprendre ce qui lie un traducteur à son auteur (la traduction au texte original) et, plus généralement, un fils à son père, la dimension autobiographique étant bien sûr omniprésente dans cette « vengeance » envisagée comme un nouveau genre romanesque.