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« Susciter l’invisible à partir du visible », telle est la visée déclarée du réalisateur Eric Rohmer et c’est, incontestablement, avec Conte d’hiver (1992) qu’il a tenté le plus de l’atteindre. L’héroïne de ce film connaît, en effet, un moment de révélation inattendu et décisif dans une église, suivi d’un événement « extraordinaire » (digne, précisément, d’un conte). De Graham Greene, Mauriac a écrit que ses romans nous découvrent un homme ébloui par la « circulation souterraine de la Grâce ». Il n’est donc pas étonnant que son roman, La Fin d’une liaison, obéisse à un schéma proche de celui du film de Rohmer, même s’il s’achève sur une allusion au « conte triste » de Winter’s tale de Shakespeare. Conte d’hiver a fait l’objet de commentaires substantiels dont celui du philosophe américain, Stanley Cavell. Or, le présent ouvrage entend montrer que, pour saisir la subtilité de l’œuvre rohmérienne, la grille du scepticisme ordinaire et du perfectionnisme moral de Cavell est bien moins pertinente que celle, classique, certes, mais infiniment complexe, de la philosophie de Pascal. Greene, pour sa part, jugeait l’auteur des Pensées comme « le plus grand » et, évidemment, cette grandeur tenait, à ses yeux, à la vérité de ce qu’il a écrit sur la misère humaine et sur la possibilité de salut par et au-delà du pari sur l’infini. Faire donc de son héroïne, Sarah, un personnage pascalien, à l’instar de la Félicie de Rohmer, nous a paru intéressant pour des lecteurs qui négligent un peu ses romans dits « catholiques », les meilleurs pourtant. Rendues familières par cette référence à l’auteur des Pensées, les analyses développées dans cet essai les aideront à percevoir, peut-être, dans l’œuvre cinématographique de Rohmer et romanesque de Greene, la lumière d’un Dieu qui se révèle comme Dieu caché. Car toute lecture, aussi exhaustive et inquisitive qu’elle soit, demeure, en fin de compte, elle aussi un pari.