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On l'ignore souvent, mais dès la fin de la guerre d'indépendance, un million d'hectares et 500 entreprises sont délaissés par leurs propriétaires coloniaux. Spontanément, paysans et travailleurs occupent ces biens sans maîtres. Reconnaissant officiellement cette situation, le gouvernement Ben Bella promulgue, le 23 mars 1963, un décret: la gestion des biens déclarés vacants - ainsi que celle des biens «anormalement exploité» - sera assurée par les travailleurs. Le 30 mars, un nouveau décret fait explicitement référence à «l'organisation et la gestion des entreprises en autogestion». Autogestion: le mot est lancé, officialisé, avec de nouvelles structures: assemblée générale des travailleurs, conseil des travailleurs, comité de gestion, directeur, conseil communal d'animation de l'autogestion. Le Bureau national des biens vacants devient Bureau national d'animation du secteur socialiste sous la responsabilité de Mohammed Harbi, qui mobilise militants et chercheurs, algériens et français. Les résistances sont fortes: l'armée accapare une bonne partie du secteur agricole mis hors autogestion; dans beaucoup d'entreprises et de terres le pouvoir des travailleurs est confisqué par une nouvelle bourgeoisie qui entend accaparer la révolution à son profit. Après le coup d'État de Houari Boumedienne en 1965, seule demeurera le vocabulaire socialiste sans réalité pratique. Dans ce recueil qu'il introduit, présente et annote, Mohammed Harbi a sélectionné une série de ses propres écrits, de textes et de documents, pour beaucoup inédits, et des enquêtes de terrain qu'il a dirigées dans les fermes et usines autogérées. Alors que l'on commémore, en mars 2022, les 60 ans des accords d'Évian et de l'indépendance de l'Algérie, alors que le Hirak réclame une nouvelle révolution, ce livre vient rappeler l'histoire de l'autogestion algérienne, mise sous le boisseau par les autorités.