Prix public : 24,00 €
« Je suis comme un pèlerin qui se serait endormi un jour d’été les pieds dans l’eau et qui se réveillerait en hiver les jambes prises et emboîtés dans la glace. » À la fin de sa vie, Théophile Gautier entreprend d’écrire ses mémoires : son dessein est de raconter les exploits oubliés des « soldats obscurs » du romantisme, mais aussi de rédiger une autobiographie déguisée en histoire littéraire. Et ce qui frappe dans cet ouvrage est le ton nostalgique avec lequel il évoque une époque exaltante mais révolue : en quelque sorte, il s’y révèle tel qu’en lui-même, entre enthousiasme et mélancolie. Spécialiste de littérature fantastique, Alain Montandon détecte cette alternance, à travers toute l’œuvre de l’écrivain, mais aussi à travers l’empreinte laissée par ses maîtres, notamment par Hoffmann. Ainsi Gautier voyageur émerveillé sombre dans le spleen lorsqu’il se sent écrasé par un sublime qui le dépasse. Victime d’une perte irrémédiable, l’artiste comprend que le bonheur n’est pas de ce monde, que la beauté comme l’amour sont de l’autre côté. Si l’enthousiasme est ainsi contrebalancé par la mélancolie, c’est aussi que la poésie n’est plus écoutée dans ce siècle embourbé dans le matérialisme qui ne croit plus dans les valeurs de l’art : l’insatisfaction du chercheur d’idéal — qui préfère « la statue à la femme et le marbre à la chair » — entraîne alors un repliement narcissique aboutissant à une absence de ferveur et à la désillusion. En somme, à travers une oeuvre trop méconnue, un essai sur le rêve romantique. Alain Montandon est professeur émérite de littérature générale et comparée à l’Université Blaise Pascal, membre de l’Institut universitaire de France et fondateur et directeur du Centre de recherches sur les littératures modernes et contemporaines (CRLMC). Il a assumé de nombreuses responsabilités universitaires. Directeur de plusieurs collections et membre du comité de rédaction de nombreuses revues, il a publié une quinzaine d’ouvrages, dirigé une soixantaine d’ouvrages collectifs et écrit plus de deux cents articles.