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Mondrian et Dubuffet, hommes et œuvres, n’offrent à première vue aucune espèce de ressemblance. Toutefois, la temporalité propre à l’affirmation de leur personnalité artistique, et surtout le rapport de l’opinion et des institutions à leur travail, présentent des analogies telles qu’elles peuvent paraître non seulement instructives, mais significatives et même exemplaires quant à certains aspects de la vie artistique du XXe siècle en France. « Tous deux, relève Germain Viatte, eurent à affronter un aveuglement insistant de l’opinion, même spécialisée et, pour Dubuffet, une adversité consentie, qui ne s’apaisa qu’au début des années 70, lui faisant même craindre de perdre sa position d’ “ennemi public”… » Il est vrai qu’il fallait, pour établir ce constat, le regard d’un « homme de l’intérieur » doublé d’un historien. Appuyé sur un travail documentaire faramineux qui accorde la plus grande place au point de vue individuel des acteurs de l’histoire – artistes, écrivains, marchands, complices, amateurs et représentants des musées –, L’envers de la médaille, comme le suggère son titre, dépeint la face moins reluisante de deux éclatantes réussites artistiques : deux itinéraires marqués par un isolement tantôt subi, tantôt choisi, et jalonnés, ou couronnés, par des acquisitions publiques plus ou moins heureuses. À cet égard, le récit des pieds-de-nez de Dubuffet aux institutions officielles de la culture (don de plus de cent cinquante de ses œuvres au Musée – privé – des Arts Décoratifs, installation de la Collection de l’Art Brut à Lausanne), ou celui de l’ « Affaire Mondrian » (un achat de faux par le tout jeune Centre Pompidou en 1978) ne constituent que les épisodes les plus sensationnels de la reconstitution menée par Germain Viatte, témoin de premier plan. Reconstitution, ou état des lieux ? L’auteur, participant de la première heure dans l’aventure Beaubourg, le signale en conclusion : « Ces deux textes sont longtemps restés dans mes tiroirs, bloqués par une sorte d’embarras devant les contradictions qu’ils peuvent révéler dans l’exercice délicat des musées en un temps supposé glorieux, celui des années 60/70, qui vit l’érection au cœur de Paris d’un objet architectural et urbain véritablement extraordinaire, le Centre Georges Pompidou. » En pérennisant la mémoire de ces itinéraires d’artistes, il fournit, de fait, d’importants éléments de réflexion sur les politiques muséales, à l’heure où Beaubourg « va devoir affronter de nouvelles conditions de rayonnement ainsi qu’une rénovation architecturale majeure. »