Prix public : 9,50 €
L’art fut une source inépuisable de réflexion et d’écriture pour Bernard Noël, dont le travail sur le regard est essentiel. L’œuvre d’André Masson a constitué un vivier particulièrement fécond puisqu’il lui a consacré une monographie, un récit-monologue à partir des autoportraits ainsi que de nombreux autres écrits. Ce volume rassemble ses onze textes critiques sur Masson, parus entre 1985 et 2010. L’Atelier contemporain réalise là un projet d’édition que l’auteur avait lui-même en tête dès 1995 et qui n’avait pu voir le jour. Noël considère Masson comme « un peintre majeur du XXe siècle » et « l’un des très grands dessinateurs de notre temps ». Grièvement blessé lors de la Grande Guerre, l’artiste crée dans une urgence vitale pour exprimer son tumulte intime. Bernard Noël compare le geste automatique d’André Masson à un « sismographe de pulsions internes ». Mais cette spontanéité a la particularité d’être nourrie d’une intense recherche intellectuelle. Le peintre entretient ainsi en lui « un court-circuit constant entre la culture avec ses éclaircies et l’animalité profonde avec ses pulsions obscures. Son graphisme est en quelque sorte l’éclair électrique – la décharge – résultant de ces commotions entretenues et provoquées. ». C’est ce que Noël appelle « la main-cerveau » de Masson ; elle combine corps organique et corps culturel en réussissant à « rétablir l’origine de la pensée dans la chair », une démarche qui le touche car elle rejoint la sienne en tant qu’écrivain. Son admiration pour l’artiste s’augmente de ce qu’il fut l’ami de Georges Bataille qui lui est cher. Il consacre d’ailleurs un texte au lien entre ces deux êtres excessifs qui voulaient chacun franchir les limites de leur art en engageant « tout ce qu’ils savent vers ce qu’ils ne savent pas ». Étonnamment, Bernard Noël n’a jamais rencontré André Masson mais par le travail verbal, il parvient à capter son énergie à la fois tellurique et pensive, si bien que Guite et Diego Masson lui écrivent, à propos de l’un de ses textes : « Vous nous faites retrouver l’homme avec une réalité fulgurante. »