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Okoga apovo ava reko ramõguarãma. Rédigés il y a trois cent ans, à plusieurs centaines de kilomètres au nord de Buenos Aires, ces quelques mots guaranis prétendent instruire le lecteur sur « le comportement que les hommes doivent adopter lors du travail des champs ». Surmontant l'un des quatre vingt huit chapitres d'un catéchisme de travail récemment découvert et produit au début du XVIIIe siècle dans les missions jésuites du Paraguay, ils illustrent les problèmes engendrés par la rencontre entre les Guaranis et les missionnaires Indiens venus pour les évangéliser. Souvent décrites par leur contemporains, des missionnaires eux-mêmes aux philosophes des lumières, comme une utopie réalisée dans laquelle le travail était aussi bien ordonné que la vie religieuse, les missions étaient en effet le siège d'une production agricole et artisanale intense. Plus de cent mille Indiens y cultivaient le blé ou le coton, pratiquaient l'élevage, édifiaient de grandes églises et fabriquaient outils, statues, instruments de musiques et même lunettes astronomiques. Cependant, les pratiques et représentations du travail indiennes et européennes, radicalement différentes, provoquaient nombre de conflits illustrés par les chroniques missionnaires, qui jugeaient les Guaranis comme des êtres paresseux et dotés de peu d'intelligence. La cloche, le rabot et la houe, en s'appuyant sur la traduction inédite de plusieurs chapitres du Manuscrit de Luján et en mêlant reconstitution historique fictionnelle et analyse des pratiques et relations sociales au travail, prétend à la fois déconstruire ces préjugés et montrer comment la collaboration, mais aussi les oppositions entre Indiens et Jésuites accouchent de la co-construction de cet espace singulier, objet de tous les fantasmes jusqu'à aujourd'hui, en Amérique comme en Europe.