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La tentation est forte en histoire monétaire de confondre passé et présent. Convaincus de la pérennité des mécanismes de base, économistes et hommes politiques évoquent volontiers les péripéties plus ou moins lointaines de la monnaie pour confirmer une théorie ou justifier une ligne de conduite. En réalité, dans le domaine de la doctrine aussi bien que dans celui de la pratique -puisque les phénomènes monétaires de jadis s'inséraient dans un contexte économique et financier profondément différent de celui d'aujourd'hui- la méthode comparative débouche moins, pour reprendre l'expression de Fernand Braudel, sur les coïncidences que sur les divergences. L'économie monétaire des XIIe-XIXe siècles, période sur laquelle s'échelonnent les études de cet ouvrage, se distingue de celle d'aujourd'hui par deux traits fondamentaux: elle était basée pour l'essentiel sur un stock limité, inconstant et mal réparti de métaux monnayables; elle se servait des mêmes étalons métalliques dans la circulation intérieure et extérieure. L'ouvrage montre que l'histoire monétaire du monde pré-industriel n'a guère de quoi conforter les tenants de théories économiques fondées sur le principe d'équilibre et d'autoréglage. La circulation métallique, loin d'être la garantie d'une certaine stabilité, s'avère dans la pratique porteuse de chocs et désordres que les gouvernements de l'époque avaient le plus grand mal à maitriser, quand ils n'en étaient pas eux-mêmes à l'origine. Si, sous l'ancien régime, le détonateur des crises sociales était normalement l'impôt ou la disette, celui des crises économiques était le plus souvent une soudaine pénurie monétaire. Le vieux consensus des historiens quantitativistes que fait dépendre le bien-être économique de l'abondance des stocks métalliques, s'il est peut-être discutable sur le plan théorique, a au moins le mérite de s'accorder avec l'expérience et les perceptions d'une époque en proie à une insuffisance chronique de signes monétaires.