Prix public : 17,00 €
e 1937 à 1956, je vécus dans les camps et en exil. Les conditions du grand Nord excluent la possibilité d’écrire et de conserver des récits et des poèmes – à supposer qu’on veuille le faire. Quatre ans durant je n’ai eu ni livres ni journaux. Ensuite il s’est trouvé que de temps en temps on pouvait écrire et garder des poèmes. Beaucoup de ce qui fut écrit – une centaine de poèmes – a disparu à jamais. Quelque chose cependant a été sauvegardé. En 1949, travaillant comme aide-médecin dans un camp, je me trouvai en « mission forestière » et pendant tout mon temps libre j’écrivais : sur les revers et les pages de garde de pharmacopées, sur des feuilles de papier d’emballage, sur des sachets. En 1951, je n’étais plus détenu mais je ne pus quitter la zone de la Kolyma. Je travaillai comme aide-médecin près de Oïmiakon en amont de l’Indighirka ; il faisait très froid et j’écrivais jour et nuit dans des cahiers de fortune. En 1953, je quittai la Kolyma et m’établis dans la région de Kalinine près d’une entreprise de tourbe. J’y travaillai deux ans et demi comme agent d’approvisionnement technique. Les exploitations de tourbe avec leurs saisonniers, les tourbiers, étaient des endroits où le paysan devenait ouvrier. Ce n’était pas sans intérêt mais je n’avais pas le temps. J’avais quarante-cinq ans, je cherchais à devancer le temps et j’écrivais jour et nuit – vers et récits. Je craignais chaque jour que mes forces ne m’abandonnent et de ne plus écrire une ligne et de ne pouvoir plus écrire tout ce que je voulais. Varlam Chalamov Varlam Chalamov (1907-1982) est connu du public français par Les Récits de la Kolyma publiés pour la première fois en 1969 par Les Lettres Nouvelles. De 1929 à 1956, presque sans interruption, il connaît la prison, les camps, l’exil. Cahiers de la Kolyma et autres poèmes réunit, en plus d’un essai autobiographique écrit en 1964, des poèmes écrits dans les camps, ainsi qu’un choix de poèmes du retour. Cette nouvelle édition est enrichie de trente-quatre poèmes. Si la vie de Chalamov est un condensé du martyre russe sous Staline, sa poésie est pleine de mesure, de réflexion, d’interrogations. L’accusation qu’il porte est d’autant plus forte.