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La leçon d'anatomie autrefois, le prélèvement d'organes aujourd'hui provoquent l'horreur des proches ou hantent les dernières heures de l'existence. Un sentiment de violation suscite la culpabilité de n'avoir pu empêcher la mutilation du corps de la personne aimée. Le greffé lui-même n'est pas indemne de troubles personnels après la transplantation. Le don qu'il reçoit est subtilement empoisonné d'exquise ou de cruelle façon. Le corps établit la frontière de l'identité personnelle ; brouiller cet ordre symbolique qui fixe la position précise de chaque individu dans le lien social, revient à effacer les limites identitaires du dehors et du dedans, du moi et de l'autre. Les limites du corps dessinent à leur échelle l'ordre moral et signifiant du monde. Un trouble introduit dans la configuration du corps est un trouble introduit dans la cohérence du monde. Ce champ de forces où s'opposent des valeurs que l'histoire n'a jamais réconciliées, est ici abordé sous l'angle de l'anthropologie, c'est-à-dire en s'efforçant de comprendre l'homme en tant qu'homme, acteur social, producteur de significations et de valeurs, inventeur de son univers propre dans la pluralité du monde possible. " Une histoire du corps dépecé, depuis la passion anatomique des premières dissections jusqu'aux modernes greffes. " Le Monde David Le Breton est professeur de sociologie à l'université Marc Bloch de Strasbourg, membre de l'Institut Universitaire de France et du laboratoire ura-cnrs Cultures et sociétés en Europe. Il est l'auteur, entre autres, de Des Visages, Anthropologie de la douleur, Conduites à risques, Du Silence, Eloge de la marche, La Peau et la Trace, La Saveur du monde, En Souffrance, et Mort sur la route (son 1e roman).