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Chaque poésie est tenue pour singulière, soit. Cependant certaine parole poétique se distingue par une capacité d’attention telle, par une force de rayonnement à ce point irrépressible, à partir de circonstances souvent au plus près du quotidien, au plus proche de l’expérience sensible, comme pour faire face à l’inattendu, à l’imprévisible, parfois pour témoigner du presque rien ; mais un presque rien si considérable qu’il bouleverse tout le rapport que l’on entretien avec le monde qui nous entoure, qui nous habite, que nous respirons, et qui respire en nous. C’est que la perspective qu’une telle poésie développe et engage cherche l’adresse de l’autre, du lecteur, pour le rejoindre et le toucher. Sans quoi la parole poétique est vouée à tourner sur elle-même. La poésie de Soline de Laveleye évoque cette nature du quotidien si insistante, tout ce « ronronnement des choses », selon ses propres termes, comme pour se maintenir en elle, en cette réalité qu’elle ressaisit par les mots, par la parole poétique, permettant ainsi d’accéder aux pulsations du corps, inséparables en ses textes de l’imagination et de la pensée. Celles des sensations tout autant, et celle de l’espace en sa clarté comme de ses obscurités, non moins. Une manière, et peut-être la seule, de « rendre le monde visible », pour le saisir ; et au milieu de chantiers en action, pour y ajouter. Alors que chez cette auteure aucune complaisance n’est épargnée face au monde à « apprivoiser » et tel qu’il va ; face à ses dérives ressenties dans les plus infimes moments de l’existence. Cette poésie impulse une dimension critique, un regard à distance, un recul nécessaire à notre acuité, à cette lucidité qui nous est devenue indispensable pour ne pas dire, essentielle, pour vivre à l’époque nôtre.