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Dans son élan éblouissant, l'art moderne n'a cessé de s'épanouir. En nier les conquêtes serait risible comme prôner le retour à la copie servile du réel. Les œuvres les plus marquantes de ce siècle furent réalisées avec une gourmandise, une frénésie de peinture qui se voulait toujours plus dévorante. Mais à son tour le peintre n'est-il pas tenté de se dévorer? Nous voyons les suiveurs exploiter les sources, les épuiser, et les formes aussi bien que les gestes spontanés risquent de devenir des académismes. Mode! Tu commences à faire ta toilette en secret, ensuite tu envahis les rues de la ville. D'année en année, l'état de transe devient exercice scolaire exécuté en vue d'obtenir la gloire précaire, le contrat avec un marchand, l'argent. Kandinsky, Klee, Mondrian, Rouault avaient tacitement conscience d'un problème moral qui suscitait leurs œuvres. Ils utilisaient des formes obéissant à une lucidité objective et claire. Aujourd'hui, la prolifération de l'académisme abstrait n'obéit plus qu'à-un recensement commode, infiniment ressassé, épuisé, mort. Les portes ouvertes, quand elles sont enfoncées, donnent sur la cruelle aumône du néant. Le pouvoir de l'image est-il perverti par l'absence de morale de la civilisation ? Qu'y a-t-il d'important dans l'art de notre temps ? Avons nous atteint la période du déclin ? S'il s'universalise, l'art de demain n'aura-t-il pas la nostalgie d'une structure morale ? Et cette structure qui ne s'explique pas, ne faut-il pas essayer de la révéler comme un âpre secret conquis sur un champ de ruines. René-Jean Clot