Prix public : 12,00 €
Dans la famille, on est vétérinaires de pères en fils, décision implacable voulue par tous et décidée par personne. C’est le point de départ d’État stationnaire bref texte de 1985, que Bernard Lamarche-Vadel reprendra partiellement en 1994 en ouverture de son premier roman, Vétérinaires. Si Vétérinaires déploie ses tableaux hallucinés, entre drame et farce féroce, État stationnaire suit pour sa part la lente dérive mélancolique de son personnage. Dans l’immobilité du corps, c’est au langage d’inventer de nouvelles constructions, de creuser des possibles. Il doit trouver une place nette dans la divagation de l’esprit. Mais qui parle au juste, à voix haute à l’intérieur de lui-même ? Lamarche-Vadel impose le paysage, les journées répétitives autour des idées enfouies au bord de la Marne, dans les paysages terne d’Ile de France, entre deux visites de routines à des animaux vaguement malades. Il trace la géographie d’une existence impossible à saisir, cherche un point d’accroche en observant les feuilles s’agglutiner sur le fleuve, au fil des saisons. On pourrait se fondre dans la comédie des autres, dans « la politesse comme l’altitude la plus efficace protection de soi-même » ; mais on ne peut pas. C’est le moment qui s’étend comme on étend un corps. Il reste la vision des amitiés immobiles, des amours un peu mornes, dans une vie qu’on a fait en restant à sa petite place. « L’idée était que tout demeurait, le fil n’était pas coupé », on s’accroche au meilleur moyen de laisser faire. Dans cette vie nature où les mots vont trop vite, le meilleur moyen de laisser faire est d’observer le lent mouvement des autres, leur cordialité quotidienne, la solitude impossible à combler. « Parfois nous nous tournions l’un vers l’autre en souriant, c’était l’état stationnaire », on respire lentement, et dans un geste tout aussi lent, laisser pousser les végétations du réel.