Prix public : 16,00 €
souvent je repense à comment le sommeil venu dans le van où j’étais en amérique mêle à la chaleur du ruban de la route l’envie de jouir de cet à-côté de m’ouvrir doucement dans le verbe du désir s’endormir au soubresaut léger que font ses hanches contre les miennes à cause de la route mal bitumée Un van posé dans un paysage de l’Iowa, pas loin du Mississipi, au milieu des champs de maïs, des fermes rouges en bois et des routes planes longues, abandonnées. Un regard posé entre les espaces ouverts et immobiles, entre souvenirs et simplicité du réel inépuisable : ouvriers en salopette bleue, gobelets de bière dans le vent, journaux roulés, des images. Les couleurs, presque un assoupissement, une torpeur éblouie. Ces Poèmes du revoir américain, faits de notations précises, immédiates, mais livrées rétrospectivement, accompagnent le déploiement de l’espace qui se glisse dans l’ouverture du paysage, en lente décantation, dans la sensualité du corps et des couleurs. Poème féminin aussi, poème ralenti du corps féminin, en douces bascules silencieuses. Poème photographique, qui glisse sur les reflets, les scintillements de masses noires et lumineuses. Toutes ces choses arrêtées dans leur mouvement, des planches, des gamates, des sacs de ciment, des jerricanes, toute cette réalité au travail, ces objets aussi concrets que nous, aussi présents que nous. Nous sommes des « sacs tassés dans l’espace de la respiration », hommes dans le « paysage en plaque d’aluminium » : des carrés sur fond blanc. Soudain tout est dur, tout fait surface, les silhouettes d’hommes et de femmes croisées dans les aéroports et les supermarchés. En dérive dans ces lieux collectifs aux identités perdues. « Ici ou là quelqu’un pousse la même chose vers quelque part » dit Emmanuel Laugier, dans un geste entre extrême intimité et dissolution sensible dans le flou d’un réel qui s’efface, et dont nous devons nous efforcer de réaffirmer le contour, la couleur et la sensation, dans le poème. Dans la vibration fragile et nue du poème.