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Aleksander Rański confie à sa mère : « Je me sens un peu maladroit dans la vie. Cela ne date pas d’hier. » Il est notaire à Varsovie. Nous sommes au début des années 1990 et le capitalisme déferle sur le pays avec la violence d’une rupture de digue. Polonais par son père, Rański est également russe par sa mère, laquelle était la fille d’un général de l’Armée blanche. C’est cette part de lui-même – qu’il ne cesse d’interroger – qui provoquera le déraillement de son existence. Rański s’ennuie et, surtout, il souffre d’une écrasante mélancolie, persuadé « qu’il est déjà trop tard pour tout ». Un beau jour, un businessman russe se présente à sa porte : il a besoin d’un notaire connaissant sa langue et son pays. Sebek est un homme violent, séduisant ; ses affaires sont on ne peut plus louches. Le mafieux russe, car c’en est un, entraîne Rański dans les premiers cercles de son enfer : ceux des paillettes, de l’argent facile, des filles de nuit. Tout ce bazar de mauvais polar écoeure et fascine le petit notaire, « comme une romance russe : malgré le faux, le toc, la viscosité de la matière, on a du mal à résister à sa force attractive ». S’il se compromet, s’il se rue dans les plaisirs avec les prostituées que lui fournit son mentor, il parvient à rester comme en surplomb. Insidieusement, Rański alimente la peur de son client mafieux, avant de l’abandonner « dans le tunnel de la paranoïa ». Il s’ensuivra un meurtre et une condamnation, mais Rański ne pourra se croire libéré qu’un instant : on ne quitte pas la table d’un tel jeu.