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Cet ouvrage est la première étude complète sur les Cyrénaïques, aussi bien sur leurs éthiques que sur leur théorie de la connaissance. Classés parmi les « Petits socratiques », les Cyrénaïques doivent leur nom à la ville de Cyrène, dans l'actuelle Libye, et leur existence se concentre essentiellement sur le IVème siècle avant J.C. Ils constituent un mouvement philosophique singulier dont Aristippe, compagnon de Socrate, a été l'inspirateur et qui se caractérise par des dissidences qui font douter de son unité. En effet, à partir des préceptes hédonistes d'Aristippe systématisés par son petit-fils, Aristippe le Jeune, Hégésias a fait l'apologie du suicide, Annicéris a défendu une éthique altruiste du plaisir tandis que Théodore a prôné un individualisme légitimant les actes délictueux en cas de nécessité. Chacune de ces dissidences offre autant de variations sur une éthique de l'affect. Malgré des positions inconciliables, les Cyrénaïques s'entendent sur des valeurs communes comme la référence éthique à la nature, la pratique de l'ascèse, de la tempérance et de la sagesse pratique et, en particulier, le déclassement du bonheur en tant que fin seconde, déclassement qui marque indéniablement leur originalité parmi les morales antiques où le bonheur représente toujours le Souverain Bien. En ce sens, ils proposent un contrepoint saisissant avec la grande école hédoniste de l'Antiquité, l'épicurisme, et son approche du plaisir comme absence de douleur. Toutefois, l'opposition à l'école d'Epicure ne se joue pas uniquement sur les questions éthiques: elle s'affirme également dans le domaine de la théorie de la connaissance où l'originalité des Cyrénaïques apparaît encore plus évidente, nonobstant le rapprochement parfois effectué avec les Sceptiques grecs. Fondée sur une confiance exclusive dans les affects, leur théorie de la connaissance reste irréductible aux autres « subjectivismes » antiques comme l' homo mensura de Protagoras, par le statut qu'elle accorde au percevant. Ce dernier devient en effet l'unique instance de jugement sur ses propres expériences pathiques, ce qui représente à la fois un cas unique en philosophie antique et une préfiguration de ce que sera la subjectivité moderne.